Jonathan
17. La Piste de Yéshé
Une BD de Cosey chez Le Lombard - 2021
10/2021 (29 octobre 2021) 52 pages 9782808203500 Format normal 433452
De retour au Tibet pour y retrouver une vieille connaissance, Jonathan attend. Les mois s'égrènent, rythmés par les seules visites des « libérateurs » chinois qui cherchent à détourner une des derniers bribes de culture locale inaltérée à leur profit. Là-bas, hors du monde, le voyageur prend le temps de regarder en arrière, de ses yeux cernés de rides qui se sont creusées à force de contempler un monde qui, déjà, semble l'avoir relégué au statut de mythe. La fin du voyage serait-elle en vue ? Mais quid, alors, de l'aboutissement...?
Avec étonnement et un peu de tristesse j’ai découvert en le lisant que le dernier Jonathan est... le dernier.
Il n’arrive pas à toutes les séries si longues le privilège de pouvoir jouir d’un point ferme, et même quand arrive le résultat n’est pas toujours à la hauteur (je ne fais pas de noms...).
J’ai lu cet album de 52 planches une fois, et je l’ai relu une deuxième fois le lendemain, et je le trouve tout simplement magnifique, l’un des meilleurs que Cosey ait jamais fait - pas seulement dans cette série.
Avec tant de mélancolie (mais aussi tant de légèreté : j'ai souri plus d’une fois) il met fin - pour de vraie - aux aventures de son personnage, commencées en loin 1975, en faisant un bilan de son histoire et en la clôturant comme il l’avait ouverte (littéralement : au début de l’album est reprise la "lettre" avec laquelle Cosey ouvrait le tout premier épisode).
L’histoire est très simple. Il ne se passe pratiquement rien : Jonathan séjourne pendant quelques mois dans un monastère perdu, en attendant... Eh bien, je ne vous le dis pas !
L'album est (en partie) structuré comme "Elle, ou dix mille lucioles" (n° 14), style journal intime, même s'il est beaucoup moins contemplative et beaucoup plus dialogué.
Cosey réfléchit sur le temps passé et, avec la calme qui le caractérise, il fait une ironie légère mais constante sur son personnage (et peut-être sur lui-même), toujours égal - il n’est pas très différent du Jonathan des premières histoires, en effet - tandis que le monde autour de lui a changé. Fini les temps où l’on croyait pouvoir "atteindre le Nirvana en écoutant Mike Oldfield et les Tangerine Dreams, en lisant Jung et en rêvant du Tibet immaculé", et pourtant Jonathan est toujours là. Les gens qui ont rempli sa vie, comme Kate, ont changé, et pourtant Jonathan est toujours là.
On pourrait croire qu'il est un personnage de fiction, comme on insinue (avec peu de tact) au cours de l'album !
Et puis... la fin, où Cosey et Jonathan arrivent à l'"illumination" en inversant la perspective précédemment décrite - peut-être avec un soupçon d’auto-indulgence, mais bon !
Je suis vraiment ému.
Ils sont rares les finaux de série qui sont réussis. A chaque fois, le lecteur qui fut passionné par la vie du personnage attend tellement que la fin raconte tout ce qui fut oublié, que toutes les questions sans réponse soient faites tout en espérant une fin heureuse.
Alors, lorsque l'ultime tome de cette série qui est l'une de mes préférés, écrit par un auteur qui est l'un de mes préférés, est parus, j'ai d'abord tout relu ( et construit des critiques sur bdgest) …pour ne pas aller trop vite à la conclusion et profiter encore un peu de mes fantasmes de lecteur de ce qui pourrait être.
Je voulais d'abord que Drolma revienne. L'abandon de ce personnage avait heurté considérablement ma lecture des albums. Comment un père adoptif (Jonathan) pouvait abandonner de la sorte une enfant (Drolma)? Et je voulais que Jonathan cesse son errance et soit enfin heureux pour lui seul.
Drolma est réapparue. Et ce fut une immense joie pour moi, plus affirmée encore par une simple parole du personnage et du jeu dans le scénario sur l'inexistence présumée de Jonathan par les enfants de Drolma. Et cette simple réponse suffit à tout excuser.
Une histoire ou la mort du personnage fut comme un choc violent et sa résurrection en moine fut merveilleux à lire. Comme si l'errance était enfin clôturée. Pas de manière physique mais spirituelle avec cette facétie systématique qui s'est toujours immiscée dans le destin du personnage sur les derniers album. Une résurrection qui se clôture simplement. Jonathan a erré dès le premier album par la mort de Saîcha. Cela se termine par une allégorie simple et naïve offerte par Drolma qui fait la leçon à un moine bouddhiste déguisé. Et personnellement j'aime ce pied de nez qui est le symbole même des choix scénaristiques de la série toute entière. Pas de grande leçon. Juste des histoires simples de personnages qui se perdent de voir la vie avec trop de complexité et qui retrouve le chemin à aimer le temps présent ( Et c'est cela la définition du bonheur dans "Elle": Aimer ce qui est là)
J'ai aimé les multiples références et la vieillesse de Jonathan qui ne lui permet plus de commettre les actions du passé. J'ai aimé ces quelques jours d'attente qui deviennent quelques mois. car, dès que Jonathan veut prendre sa vie en main, la facétie du destin, toujours, le rattrape. J'ai aimé ce temps suspendu et l'histoire secondaire ou encore une fois Jonathan devient ange gardien une dernière fois.
Mais par dessus tout J'ai adoré le final! On pourrait y voir les simples retrouvailles de deux amis. Evidemment il y a un sens second et ces dernières cases sont extraordinaires. Jonathan qui invective son créateur à venir vivre la vie plutôt que de l'écrire dans son atelier vient à l'auteur dans ses premiers vêtements et sa première moto. Il réintègre l'auteur. Ils vont ne faire à nouveau plus qu'un. le temps du voyage fantasmé, le temps du voyage prennent fin. Jonathan n'est plus un personnage de papier libre dans l'esprit de l'auteur. Il rentre à la maison. L'errance du fantasme miroir est fini dans une dernière case qui rappelle dans son symbole les premières cases de " Souviens toi, Jonathan…"
Les dessins sont sublimes. Le silence et les grands espaces somptueux. et le "blanc Cosey" inonde d'éclats les autres couleurs magnifiques.
Peut être le plus beau final d'une série.
Merci infiniment Mr Cosey de m'avoir fait rêver pendant 30 ans grâce à votre double.
Jonathan est une série pour laquelle j'ai une grande tendresse, ne serait-ce que parce qu'elle m'accompagne depuis mon plus jeune âge et qu'elle fait partie de mes lectures adolescentes. Au début des années 2000, j'ai revendu les albums que je possédais car je n'y trouvais plus ce qui avait enchanté mon enfance; et puis mes goûts me portaient vers des bandes dessinées d'un autre genre. Jusqu'à la sortie de ce 17e et ultime album, Jonathan appartenait à mes souvenirs. mais voilà qu'en lisant les critiques dithyrambiques, notamment sur Bdgest, je me suis soudain demandé si je n'étais pas passé à côté de ce qui semblait demeurer un sommet du 9e art....
C'est donc avec une certaine peine qu'au sortir de la lecture de cette "piste de Yéshé" j'ai réalisé que ce dernier épisode ne m'avait pas plu. Pour tout dire, je m'y étais fermement ennuyé. Je me suis alors demandé ce qui n'avait pas fonctionné et j'ai relu l'album dans la foulée pour ne pas commettre d'injustice. Le même terrible constat: rien ou presque ne m'avais plu ou touché.
Pourtant, ce n'est pas le caractère même des aventures de Jonathan qui m'avait barbé. Bien au contraire, le voyage, l'errance, les rencontres au hasard du cheminement, l'incertitude, la rêverie et la contemplation étaient justement de nature à me faire adorer ce tome 17.
Hélas, pour moi le compte n'y est pas. Le récit court et jamais ne m'attrape ni ne m'entraine dans son sillage. Je n'y reconnais aucune des qualités que je devrais y trouver. Les cases se suivent et disparaissent aussitôt sans donner l'impression qu'on déroule un fil, sans que les êtres que Cosey semble vouloir nous montrer dans leur formidable humanité ne prennent de consistance et d'épaisseur. On passe de l'un à l'autre et l'on avance jusqu'à la dernière page sans y avoir finalement rencontré quelqu'un en particulier, même pas Jonathan lui même. La fin qui devrait être très belle, émouvante, ne livre en fin de compte qu'une maigre émotion.
Comment cela se fait-il que je ne parvienne pas à entrer dans cet univers que je rêve d'adorer? Sans doute à cause du dessin lui même, je pense. Bien sûr il est plaisant et ne manque pas de charme. Mais pour moi il lui manque un caractère fort et fascinant, une puissance qui pousserait à la contemplation de chaque case. Je lui trouve des faiblesses qui l'empêchent d'atteindre la voie qu'il se propose de nous faire suivre.
Et puis il y a un second problème selon moi: la perception du temps est quasiment absente. On devrait le sentir, en mesurer le prix et le poids, en ressentir toutes les inflexions dans ce type de récits, au lieu de quoi il parait s'anéantir entre deux cases pourtant distantes parfois de plusieurs jours, voire plusieurs semaines et l'on se retrouve à la fin sans savoir si l'aventure à durer 10mn ou 10 ans.
Bien sûr, tout cela n'est que le ressenti d'un lecteur qui rêvait d'être emporté par cet ultime album de Jonathan et qui est resté à quai de la première à la dernière page. Pour être tout à fait franc, j'envie ceux qui ont aimé cet album, j'aimerais être à leur place. Mais depuis la mienne, je suis désolé d'avoir à avouer que je n'y ai presque rien trouvé d'autre que des intentions jamais concrétisées.
Sublime. La boucle est bouclée. Cosey n'était pas pleinement satisfait de la fin de sa série dans le tome précédent "Celle qui fut"; c'est ce qui l'a incité à nous offrir ce dernier et ultime tome de Jonathan. Avec "La piste de Yeshe", il peut l'être et poser ses pinceaux et crayons. Tous les amoureux de cette série seront comblés. Du beau, du bon, du grand Cosey. Une dernière aventure qui classe définitivement Cosey et Jonathan comme un auteur et une série à part dans l'univers de la BD.