Jonathan
14. Elle ou dix mille lucioles
Une BD de Cosey chez Le Lombard - 2008
11/2008 46 pages 9782803624874 Format normal 80698
Après des années passées à arpenter le Tibet, Jonathan pose ses valises pour quelques temps à Rangoon, capitale de la Birmanie. L'occasion pour le héros de Cosey de faire le point, de reprendre son journal et de s'initier aux subtilités de la méditation bouddhiste. Retrouvera-t-il le «Palais du Roi sans Nom et de la Reine sans Visage», cette petite pièce cachée dans les replis de l'enfance, havre de paix loin de l'oppression politique et des tourments du coeur... ?
Cosey est de retour.
Durant la "3ème époque" de l'auteur, les deux albums précédents n'avaient guère le souffle, la clarté, ni la qualité graphique du maître malgré ce choix judicieux de raconter le réel du tibet au travers de ce témoin privilégié qu'est Jonathan. Cosey cherchait à raconter ses histoires autrement que durant ces chefs d'œuvres précédents. Et à mes yeux cela ne fonctionnait pas.
Avec "Elle", non seulement l'auteur s'est retrouvé mais, en plus , il se sublime. Quelle beau carnet de route que cet album là. Cosey choisit l'écrit d'un journal intime qui n'est pas illustré par les images car les dessins racontent le quotidien d'un Jonathan, témoin de la vie Birmane. Les échanges épistolaires entre Jonathan et Cosey, entre Jonathan et Kate ( pourquoi pas entre Jonathan et Drolma?) sont savoureux de réflexions métaphoriques et d'amitiés intellectuelles. Et j'avoue que cette inversion qu'est l'échange entre un auteur et son personnage fictif, et déjà utilisé durant le premier tome, offre une mise en abime savoureuse.: c'est le double fantasmé qui incite l'auteur à quitter ses crayons pour vivre la vrai vie...donc sa propre vie qui est de papier.
Puis il se déclenchent une histoire malicieuse sur fond de résistance, une histoire que l'on ne voit pas venir puisque l'on se sert de la naïveté de Jonathan pour combattre. Une sorte de manipulation positive qui prouve qu'à vouloir trop intellectualiser le bonheur et sa recherche, on oublie la dictature et l'instant présent. Le final est un truculent pied de nez à toute la réflexion de l'album.
Et il y a les dessins. Enfin, pourrais-je dire, il y a les dessins. les personnages étaient au scalpel, ils le seront désormais toujours mais les profondeurs des visages et des corps reviennent. Les émotions aussi. Il y a les grands espaces de retour. Les belles images de ce quotidien Birman magnifiées par les couleurs et leurs aplats les uns contre les autres. Certes, ont disparu les ombres et les ambiances cotonneuses. Cosey joue avec les couleurs chaudes et vives. Les ombres sont secondaires. Mais, si Cosey a transformé son dessin de manière drastique, il réutilise son savoir faire pour densifier son nouveau style.
C'est beau et limpide à nouveau. Enfin.
Cosey cherche à peine à raconter une histoire, décrivant les rencontres de Jonathan et les réflexions philosophiques qu'elles engendrent à la recherche du bonheur et de "Elle"? Je pense que les nouveaux lecteurs auront du mal à rentrer dans cette ambiance où le texte prend autant de place que l'image.
Mais pour les adeptes comme moi on retrouve avec plaisir la musique de Cosey, et l'environnement graphique si particulier.
A lire pour les aficionados, pour les autres lisez les premiers tomes avant.