L'héritage fossile
Une BD de Philippe Valette chez Delcourt - 2024
09/2024 (18 septembre 2024) 281 pages 9782413024712 Autre format 503178
Nova et son père, Reiz, un vieil astronaute, cheminent à la surface d'une planète désertique, à la recherche des vestiges de son vaisseau. La jeune fille profite du périple pour rédiger les mémoires de son père : 20 000 ans plus tôt, son équipage a quitté la Terre pour tenter d'établir la toute première colonie humaine sur une exoplanète propice à la vie. Mais au fil des siècles, l'expédition a pris une tournure inattendue.
Le récit démarre quelques années après l’arrivée du vaisseau sur Geminae, loin d’apparaître comme la terre promise. Dans un enfer de poussière et de brume opaque, une fillette prénommée Nova marche aux côtés de son père Reiz (une scène qui évoque instantanément « La Route »), en quête de l’antidote permettant de retarder le processus de fossilisation de son corps. Alors que le reste de l’équipage semble avoir péri lors de l’atterrissage, Reiz, qui dispose d’une quantité limitée de doses, sait que le gros du stock doit se trouver dans un des modules du vaisseau, ceux-ci s’étant dispersés accidentellement avant leur descente dans l’atmosphère de Geminae. Pour ce faire, Reiz va devoir marcher longtemps, et affronter les violentes tempêtes qui balaient constamment la planète hostile, alors que son pas se fait plus lourd et que ses membres deviennent de plus en plus rigides… Nova quant à elle, première humaine née sur Geminae, cherche à connaître les circonstances de sa naissance, convaincue que son père ne lui dit pas la vérité…
Incontestablement, l’ouvrage intrigue par son aspect. Par son volume tout d’abord (près de 300 pages) mais surtout par sa couverture au format carré, de belle facture, à la fois sombre et mystérieuse, qui représente une fillette dans la paume d’un géant sans visage, avec en arrière-plan l’espace infini. Philippe Valette, qui nous avait déjà étonnés avec « Jean Doux et le mystère de la disquette molle », fait preuve encore une fois d’une grande créativité doublée d’un perfectionnisme accompli. Mais la comparaison s’arrête là. Car si « Jean Doux » tenait de la comédie décalée et désopilante sur la vie en entreprise dans les années 90, « L’Héritage fossile » s’inscrit dans un tout autre registre, celui du space opera claustrophobique et désespéré. Qu’on se le dise, on est plus proche du récit d’anticipation où affleurent les questionnements de notre monde terrestre actuel (et donc pas toujours très gais) que de « Star Wars ».
Au-delà du thème toujours attrayant de la conquête spatiale, c’est l’immortalité et la survie de l’humanité qui sont au centre de l’intrigue. Comme on va le deviner assez vite, la Terre est en proie à un chaos dont on ne connaît pas la raison mais qui menace la vie à sa surface. Le vaisseau Heritage a donc pour mission de perpétuer la race humaine en allant coloniser une planète viable, selon les scientifiques. Celle-ci étant située à des années lumières, bien plus loin que Mars dont la colonisation s’est révélée être un échec cuisant (coucou Elon !), il faudra donc faire de trèèèèès longues siestes en « biostase » pour ne vieillir que de dix ans. Hélas, l’imprévu s’est invité à bord du vaisseau, lorsque ses passagers réalisent que leur peau prend un aspect minéral, tandis qu’il leur reste 19 000 années de voyage à travers l’espace pour atteindre leur « terre promise » baptisée Geminae !
Graphiquement parlant, Philippe Valette a fait une sorte de mix entre dessin et numérique. Son trait aux accents manga s’attache aux personnages, tandis que le vaisseau ou les décors ont été conçus par ordinateur. Le rendu est assez bluffant, sans les défauts propres à cette technique dont certains abusent parfois. Les vues du vaisseau géant ont un aspect très réaliste, mais Valette n’en fait pas non plus des tonnes pour épater la galerie, le recours au procédé restant plutôt discret. Ledit procédé a été utilisé également pour représenter la planète Geminae, dont on ne fait d’ailleurs que distinguer les reliefs à travers l’obscurité omniprésente, renforçant l’ambiance hautement anxiogène du récit.
Tout cela fait de « L’Héritage fossile » une belle réussite, malgré son propos pour le moins pessimiste où la lumière semble être restée prisonnière de l’énigmatique et ténébreuse Geminae. Au même titre que le graphisme, la narration est très bien structurée, jusqu’à l’incroyable révélation finale. On pourra (peut-être) regretter la partition visuelle un peu froide, ainsi que la conclusion, qui, si elle est au demeurant tout à fait inattendue, aurait gagné à être un peu plus resserrée, plus concise. Mais ces quelques bémols n’empêcheront en rien ce one-shot de s’imposer comme l’un des musts de cette année.
« L’héritage fossile » est un album étonnant qui mérite une grande attention. Le format carré et la belle couverture avec le titre doré en relief en font déjà un bel objet. Puis il suffit de feuilleter quelques pages pour être frappé par le graphisme. Des décors créés en 3D avec les personnages 2D posés par-dessus. L’effet est étrange, c’est clivant, mais pour moi ça fonctionne à 100%. Ce rendu est au service du récit, qui prend, grâce à cette technique une tout autre dimension. La profondeur de champ réduite qui floute l’arrière-plan, par exemple, renforce l’ambiance d’isolement et de promiscuité dans les modules du vaisseau. Alors que les tempêtes à la surface de Geminæ prennent par ce biais une ampleur titanesque.
Par ailleurs, les 4 protagonistes ont chacun une couleur de peau différente (violet, rouge, bleu et jaune). Étrange, encore une fois, mais c’est plus qu’un caprice d’auteur gratuit et tape-à-l’œil. Il s’agit d’un véritable choix artistique qui permet de porter un autre regard sur l’action et l’ensemble de l’intrigue. Une prise de risque assumée de la part de Philippe Valette.
Toute la partie graphique me semble donc pertinente, novatrice et avant-gardiste, en phase avec les thématiques de conquête spatiale et de transhumanisme abordées dans le scenario.
Cette histoire de 4 astronautes enfermés dans le vaisseau « Héritage », partis pour un voyage sans retour avec des embryons humains, pourrait d’ailleurs paraitre hermétique pour ceux qui attendraient des exoplanètes peuplées de faune exotique, ou des batailles spatiales entre cuirassés impériaux.
Non, pas de space opera. Ici règnent l’introspection, l’errance, les questionnements éthiques et métaphysiques.
Pour autant, aucune prise de tête, pas de vocabulaire alambiqué non plus, ni d’explications pseudo-scientifiques. L’histoire tient en peu de lignes mais elle est d’une efficacité maximale grâce, notamment, au récit déroulé sur deux époques, et les nombreuses passerelles narratives liant les deux.
Le rythme reste soutenu d’un bout à l’autre. De superbes pleines planches, parfois mystérieuses, parfois oniriques, permettent de prendre des respirations contemplatives jusqu’à une fin surprenante et très bien amenée.
La tonalité générale est sombre mais invite à la réflexion, ce qui me va comme un gant. J’ai adoré la mélancolie qui s’en dégage. « L’héritage fossile » fut pour moi une des excellentes lectures de l’année. C’est un album illustré d’une façon remarquable, qui a des choses à dire et les dit d’une façon intelligente et radicale. Pour un auteur seul aux manettes, la maitrise de Philippe Valette impressionne. Il peut remercier l’équipe technique qui a travaillé avec lui, le résultat est admirable.
Je me permets cependant une observation : les tempêtes sur Geminæ sont visuellement superbes mais – bien que l’on ignore leur nature (eau, sable, matière inconnue…) – les personnages ont l’air de n'en subir aucune conséquence. Il continue d’ouvrir les yeux et la bouche normalement. De mon point de vue, les scènes auraient eu davantage d’impact si, à l’extérieur, Nova et Reiz avaient eu des masques ou du tissu sur le visage pour s’en protéger. Cela aurait accentué le ressenti hostile des éléments et la folle détermination dont ils font preuve.
Un auteur que mon frère m'a fait découvrir, en me prêtant le délirant Georges Clooney ou la fameuse BD sur la disquette molle...
L'esthétisme est surprenant, comme souvent avec Philippe Valette. Sa technique pour cet album carré, mélangeant des personnages dessinés et des textures 3D, à l'allure de vieux jeux vidéos, est d'ailleurs détaillée en fin d'album.
Ainsi, la narration graphique est efficace, avec un découpage et une composition aboutis. Les personnages ont une psychologie fouillée et la réflexion générale est assez profonde, quasi philosophique. Tout cela en prenant du plaisir et en gardant une certaine aisance de lecture, les 288 pages se dévorant avec envie. Du très bon boulot en somme.
Par contre, je sature un peu des scénarios de ce genre, mêlant science-fiction et survie de l'Humanité. Certes, c'est très bien mené, il y a des dialogues percutants et plusieurs niveaux de lecture, Philippe Valette sachant très bien jouer des ficelles de l'absurde.
Mais j'ai eu une sensation de déjà vu. D'aucuns penseront à Interstellar ou à des BD récentes comme Frontier, La route ou encore Deep it (le plus authentique je trouve) en lisant ce livre. Et puis je ne suis pas sûr que cette BD amène grand chose de plus au débat sur notre avenir.
Plus que le côté « maintenant qu’on a épuisé les ressources de la Terre on me suit et on se tire » du personnage principal, dont l'entêtement dans la mission est le moteur principal de la narration, ce sont bien les ressemblances avec d’autres œuvres qui m’ont coupé dans mon immersion. Je n'ai pas eu ce sentiment d'évasion que je cherche tant... Néanmoins, cela reste une excellente BD.
...Je l'offrirai donc à mon frangin.
Rien n’est follement original, hormis l’aspect graphique, et pourtant … tout est tellement bien maîtrisé. C’est d’une virtuosité et d’une maturité rare et inattendue pour cet artiste dans ce registre.
Un jour, les humains quitteront la planète Terre pour aller explorer d'autres exoplanètes viables dans l'immensité de l'espace. Le voyage sera très long mais cela sera sans doute un sacrifice utile pour le bien de l'humanité.
J'ai bien aimé cette BD de science-fiction qui se passe à huis-clos dans un vaisseau spatial un peu à la manière de « 2001, l'odyssée de l'espace » de Stanley Kubrick. C'est assez crédible dans le déroulé.
Comme dit, notre grand ennemi dans ce long voyage est le temps. Il faut par exemple 20.000 années pour atteindre la destination. Or, un homme ne peut vivre aussi longtemps. Certes, il y a aura une utilisation de la cryogénisation mais avec un temps d'arrêt tous les 25 ans afin d'assurer la maintenance du vaisseau. Ce procédé révolutionnaire est appelé la biostase.
Il va y avoir des complications car non ne sait pas ce que le temps peut entraîner comme conséquences sur le corps humain au niveau du vieillissement des cellules. Rien n'est impérissable ! Heureusement, ils ont emporté avec eux des embryons qui vont se révéler fort utiles.
Bref, les problèmes vont commencer alors que la distance parcouru est inférieur à 5% du total de la durée du voyage. Arriver à destination relèvera du miracle cosmique ! Et pourtant...
Il est intéressant de voir que les contacts avec la planète Terre seront coupés après 200 ans et que toutes les missions sont stoppées. Ce simple fait nous indique que la civilisation humaine a sans doute disparu. A moins qu'il n'y est une autre explication...
Il est vrai que j'ai rarement vu une telle qualité d'écriture dans un récit de science-fiction. L'inspiration pourrait sans doute venir d'une œuvre comme « Interstellar » de Christopher Nolan par exemple.
Un mot pour indique que le dessin qui est d'un réalisme saisissant sert admirablement l'histoire. Le décor cosmique de ce grand vide peut être froid mais il en met plein les yeux ! C'est bien parce que la vie est rare dans l'univers que la vie est si précieuse !
Il est vrai que ce récit prend parfois un caractère assez pessimiste sur le devenir de l'humanité. J'ai compris le parti pris du principal protagoniste Reiz Iger qui va se battre de toute ses forces afin de réussir la mission de sauver l'humanité en assurant tout simplement sa pérennité. Reste à savoir à quel prix il va y parvenir car il ne faut certes pas confondre détermnation et obstination ! Il reste à savoir l'héritage qu'il va transmettre d'où le titre de cet ouvrage.
Cette bande dessinée est une expérience de lecture très intéressante grâce à un scénario totalement maîtrisé comme je les aime ! C'est un vrai coup de cœur qui a suscité mon admiration grâce à son incroyable ambition et sa complexité maîtrisée. Les amateurs de science-fiction vont adorer mais il est vrai que cela pose pas mal de réflexions sur le devenir de l'humanité.