Habibi
Une BD de
Craig Thompson
chez Casterman
(écritures)
- 2011
Thompson, Craig
(Scénario)
Thompson, Craig
(Dessin)
<N&B>
(Couleurs)
Ruault, Jean-Luc
(Lettrage)
Vivien, Laëtitia
(Traduction)
Vivien, Frédéric
(Traduction)
Pichaureau, Paul
(Traduction)
Appel, Walter
(Traduction)
Appel, Anne-Julia
(Traduction)
10/2011 (26 octobre 2011) 635 pages 9782203003279 Autre format 138246
Vendue à un scribe alors qu’elle vient tout juste de quitter l’enfance, puis éduquée par celui-ci, une très jeune femme voit son mari assassiné sous ses yeux par des voleurs. Elle parvient pourtant à leur échapper et trouve refuge sur une improbable épave de bateau échoué en plein désert, en compagnie d’un enfant nommé Habibi. Ensemble, dans des décors souvent nimbés de magie, ils vont grandir et vivre leur vie au sein de cet étrange endroit, en s’efforçant autant que possible de se protéger de la violence et de la dureté du monde, au rythme des... Lire la suite
Un objet un rien prétentieux sur la vie, la mort, l'enfantement, la féminité, la virilité, la religion, le bien, le mal, l'environnement,... C'est dépressif pour pas cher en mélangeant viol et innocence dans une fable mystique qui change de ton au gré des délires graphiques ou scénaristiques de son auteur en plein trip de champignons.
A part ça, c'est bien dessiné.
J'attendais depuis longtemps une autre oeuvre de Craig Thompson. Il faut dire que Blankets - Manteau de neige fut l'une de mes toutes premières lectures dans le roman graphique. J'avais beaucoup apprécié son talent de conteur. Après des années d'attente, voici Habibi qui nous libre une histoire totalement différente même si l'amour reste le thème central.
Habibi est presque une révolution ultime: celle des sens, de la calligraphie qui épouse avec merveille le dessin au rythme d'un royaume imaginaire sorti des mille et une nuits. C'est le Moyen-Orient dans toute sa splendeur et sa décadence. On voit à l'horizon les problèmes de pollution qu'engendre une urbanisation à outrance. Il y a également le problème du traitement des eaux et de sa rareté.
On pouvait craindre l'enlisement au bout de 600 pages. Ce fut tout le contraire ! C'est un récit qui monte en puissance pour nous délivrer d'un message au-delà des religions. Une œuvre forte et encore une belle réussite qui donne ses lettres de noblesse à la bande dessinée. De belles trouvailles graphiques avec un trait sombre, nerveux et puissant. On atteint presque le chef d'oeuvre annoncé avec un message fort et une conclusion idéale.
Effectivement, un pavé, un monument graphique, érudit et passionnant.
On est dans l'allégorie et dans le concret. Dans le mystique et le prosaïque. Les religions chrétienne et islamique sont mises en parallèle et renvoyées dos à dos. Avec des bases communes, la structure monothéiste rigide et les univers oniriques qui ont mené à la manipulation des esprits.
Cet ouvrage présente en effet une société dure et agressive pour les faibles. Mais qui peut affirmer qu'il en est autrement ? Les femmes sont des objets au service des hommes, les noirs au service des plus clairs, les pauvres au service des riches... La société décrite n'est finalement pas très différente de la nôtre. Elle se situe ailleurs, dans un monde inconnue qu'on situe évidemment au proche-orient, terre centrale à l'origine des religions monothéistes et des contes des mille et une nuits.
Nos deux "héros", faibles parmi les faibles, sont forts par leur esprit et par leur coeur. Le récit, même dur, ne tombe jamais dans la noirceur, grâce à des procédés poétiques magnifiquement mis en images.
Si la sensualité décrite en 4ème de couverture n'est pas ce que je retiendrais de ce bouquin, il n'en demeure pas moins une oeuvre admirable de poésie, de beauté esthétique et de culture religieuse.
Pour ceux qui ont les tripes et qui savent s'échapper de leur quotidien pour plus de spiritualité et de beauté intérieure, il ne faut pas rater Habibi.
Ce pavé, car il n'y a pas d'autre mot pour nommer ce livre, m'attendait dans ma bibliothèque depuis plus de 6 mois. Il faut, un , du courage pour s'y attaquer, et deux, du temps , beaucoup de temps pour venir à bout de ses 670 pages !
Alors je me suis lancé et puis je n'ai pas laché ce livre, hop ! une lecture presque d'une traite.
Pff! tout d'abord il faut souligner le travail d'orfèvre de Graig Thompson. Le dessin est magnifique, les calligraphies superbes; cela ne m'étonne pas qu'il ait mis 6 ans je crois, à batir cette oeuvre, pour ne pas dire ce chef d'oeuvre.
Enfin, le scénario est habile, fin et surtout très bien construit, très bien huilé derrière un désordre apparent.
En mélant le Coran, l'Ancien testament, et les époques (sommes nous à l'époque des milles et une nuit ou alors à l'ére industrielle?), Graigh Thompson nous fait voyager dans le temps, dans l'espace mais essentiellement nous fait voyager tout court avec le destin de ces 2 enfants,Dodola et Zam.
Certes, le récit est dur (les sévices imposés à Dodola), parfois drôle (le changement d'eau en or) mais surtout prenant.
A lire d'urgence.
Cet impressionnant pavé de 700 pages se dévore d’une traite. Le graphisme est superbement recherché : l’art de la calligraphie se mêle au dessin noir et blanc. Les vignettes s’enchaînent aux arabesques. On voyage dans ce récit à un rythme effréné. Comme dans les Mille et une nuits, l’histoire est construite en parallèle avec LES histoires (les mythes communs à l’islam, au judaïsme et au catholicisme). Ces deux mondes se font écho et s’opposent, entre rêve poétique et dure réalité, au milieu desquels Dodola et Zam essaieront de cheminer pour s’aimer.
"La sainte soufie Rabia AL-Adawiyya* a été vue portant une torche et une cruche d'eau. Une torche pour brûler le paradis, une cruche d'eau pour noyer l'enfer, pour que les deux voiles disparaissent et que les croyants rendent gloire à Dieu. Non dans l'espoir d'une récompense, ni dans la crainte d'un châtiment, mais par Amour".
Cette citation pourrait apparaître n'importe où dans le livre, étant donné qu'il s'agit d'un récit entrecoupé d'extraits bibliques mis en images et assimilant les deux personnages clefs à des saints, mais il s'agit de la moral finale. Il est donc dit explicitement qu'il s'agit là d'une œuvre d'évangélisation. Par conséquent, je soutiens qu'elle déprimera les croyants et qu'elle exaspérera les autres.
L'œuvre repose sur les conceptions chrétiennes, et en dehors de ça le récit qui se veut une fable est lourd et contradictoire dans la forme.
Pour autant, cela m'étonne car l'auteur avait montré des doutes quant à sa foi dans Blankets.
«L'Eglise dit : le corps est une faute. La science dit : le corps est une machine. La publicité dit : le corps est un commerce. Le corps dit : Je suis une fête.» [Eduado Galeano. Paroles vagabondes.]
Le plus gros problème de l'auteur est bien sa relation au corps. Les corps sont vendus, prostitués, violés, mutilés. Le corps de l'héroïne est chanté et admiré, mais sans cesse assailli par des démons. Toutes les relations charnelles sont empreintes d'interdit et d'impossibilité, même quand la relation est emprunte de vrai amour (ainsi les deux personnages sont comme mère et enfant/frère et sœurs, pourtant ils s'aiment mais quand ils veulent s'aimer physiquement c'est physiquement impossible), et les corps sont traités d'"impurs". Comme dans Blankets, l'amour est impossible. Pourtant ils se lient : comme des saints ? Constamment, les métaphores bibliques assimilent nos deux héros à des saints.
Les corps tombent malades, s'infectent et puent. L'homme est voué à la pourriture (c'est dit et montré en substance).
Il n'y a qu'un seul homme "bon" dans le livre, notre héros, mais au final ce n'est pas un vrai homme (c'est un saint ?). On le rencontre bébé. En grandissant, il bande en voyant notre héroïne, et se déteste pour ça. Plus grand, il devient eunuque.
Tous les autres hommes sont bêtes, cruels et pervers (ils abusent des petites filles). Donc là c'est un point où le ton de fable ne passe pas.
Avec des personnages "tertiaires", on apprend que l'apocalypse arrive (il faut faire des stocks de nourriture), que si on pense avoir tout fait, il reste une chose à faire : prier; on voit que si une femme enlève son voile des cheveux, alors tous les hommes se montrent obscènes;
Le livre raconte donc l'histoire de deux saints dans une humanité pourrie. Aucune lumière (si ce n'est prier ?), il faut endurer, travailler et se taire.
Dernière chose, pourquoi le récit se passe-t-il dans un pays arabe ? Pour soi-disant justifier la vente d'esclaves ? (dans un monde modernisé) Pour justifier la vente de petites filles à marier ? Pour mieux porter son travail d'évangélisation ?
Bref, lecture non recommandée.
* de temps en temps apparaît un nom arabe dans les allégories bibliques, mais sinon il s'agit de Noé, Moïse, Salomon, Gabriel, etc. On début on a Allah, donc on croit qu'on aura un mélange des deux religions, mais pas du tout.