Georges & Tchang une histoire d'amour au vingtième siècle
Une BD de Laurent Colonnier chez 12bis - 2012
10/2012 (31 octobre 2012) 72 pages 9782356483782 Format normal 175283
Bruxelles, 1934 : Georges, 27 ans, jeune marié sans enfant, dessinateur publicitaire et auteur de bande dessinée dans le supplément pour enfants d'un quotidien catholique, Le Vingtième siècle, souhaite faire vivre à son héros de papier de nouvelles aventures en Chine. Le contexte politique en Chine est alors compliqué, et afin de le dépeindre avec le plus de justesse possible, Georges est amené à rencontrer Tchang, un jeune chinois étudiant la sculpture à Bruxelles, chargé de lui raconter son pays tel qu'il est vraiment. Une grande complicité s'établit... Lire la suite
Au cours d’une interview accordée à Bernard Pivot dans un numéro d’Apostrophes daté de 1974, on avait demandé à Hergé quel était son album de Tintin préféré. Il a répondu : « Tintin au Tibet, simplement, c’est une histoire d’amou… d’amitié ». Voilà un lapsus bien révélateur qui a conduit notre auteur Laurent Colonnier à raconter la relation particulière entre Hergé et Tchang. C’est la thèse développée dans cette œuvre polémique.
Quand j’ai commencé ma lecture, je ne savais pas où je mettais les pieds. Je voyais un personnage qui ressemblait à la Castafiore dans le Bruxelles de 1934, puis un grand professeur à la tête de Tournesol. J’ai compris au fil de ma lecture que le fameux Georges était le célèbre Hergé. Tintin a été la grande bande dessinée qui a marqué toute mon enfance. Je la préférais aux Astérix, c’est dire ! Bon, avec cette biographie, inutile de dire que je tombe un peu de haut. Pourtant, plus rien ne devrait m'étonner.
On ne sait pas si c’est vrai ou si c’est faux mais qu’importe ! Pour autant, on découvre chaque jour que des gens célèbres ont vécu toutes sortes d’expériences. Je pense à Alexandre le Grand, James Dean ou encore récemment J. Edgar Hoover. Plus près de nous : le chanteur Mika. Bref, j’ai l’impression que c’est un phénomène de mode. Il n’y a plus de honte à le cacher.
Finalement, j’ai bien aimé ce biopic avec ce parfum un peu scandaleux car on connaissait tous la droiture d’Hergé. Comme quoi. Bon, il ne faut pas exagérer car il n’y aura aucune scène osée. C’est une œuvre bien singulière qui semble crédible à tout égard. J’ai surtout retenu l’inspiration qu’a eue Hergé au fil des gens croisés. Plus encore, c’est le but de cette rencontre organisée par un abbé qui s’inquiétait de voir Hergé truffer sa prochaine aventure, déjà annoncée, de clichés rétrogrades et colonialistes sur la Chine. Pour souligner l'importance de cette rencontre, Hergé crée dans Le Lotus Bleu un nouveau personnage, Tchang, auquel il donne le nom de son ami, ce qu'il n'avait jamais fait et ne refera jamais.
On verra Tintin pleurer au départ de Tchang tout comme à la fin de cette BD comme pour souligner la correspondance entre les deux œuvres. Dans la vraie vie, les retrouvailles n’eurent lieu qu’en 1981 peu de temps avant la mort d’Hergé. Ce dernier est cependant déçu car il retrouve un septuagénaire fatigué et bougon ne parlant plus très bien le français en lieu et place d’un jeune étudiant chinois de talent qui l’avait fortement influencé pour la suite de son œuvre.
A noter que presque tous les éditeurs ont refusé de publier cet album. Certains se sont offusqués de s’attaquer aussi impunément à un mythe commercialement vendeur. Je trouve la démarche de l’auteur assez courageuse quand d’autres n'y verront que de la calomnie. Tintin est-il asexué ? Les femmes n’ont pas leur place dans l’œuvre disait Hergé. Certes. Cependant, on comprend mieux pourquoi. Ce n’est nullement un jugement de valeur mais juste une manière de comprendre certaines choses qui paraissaient bizarres car non dites.
Au final, une BD qui contrairement à ce qu’on pourrait penser rend un bel hommage à Hergé.