Le fantôme de Canterville (Marcelé/Rodolphe)
Le fantôme de Canterville
Une BD de Rodolphe et Philippe Marcelé chez Mosquito - 2024
04/2024 (15 avril 2024) 49 pages 9782493343451 Format normal 497202
D'après les nouvelles d'Oscar Wilde - Le fantome de canterville - Le crime de lord arthur savile
Cette version en bande dessinée des célèbres nouvelles d'Oscar Wilde (parues en 1887) s'inscrit dans une longue série d'adaptations dont quelques films, pièces de théâtre et radiophonique, albums, etc... Ces récits de la fin du XIXè sont toujours lus et étudiés, la déclinaison de leurs thèmes victoriens et gothiques, sublimés par l'ironie de Wilde, sont validés dans la durée comme repères culturels universels : aucun dépaysement à les lire encore aujourd'hui car on en reconnait les archétypes.
Rodolphe sert de près le texte original mais y apporte sa patte de scénariste éprouvé et dialoguiste d'expérience. Il a su préserver toute la saveur humoristique et critique d'Oscar Wilde, se permettant tout de même d'infléchir la conclusion du crime de Lord Savil sans en dénaturer la finalité : le Lord reste menacé par l'ombre de son crime, commis au nom d'une morale victorienne et d'un cynisme de classe qui affûtent le piquant de la plume de Wilde (dont on retrouvera, entre autres, la trace dans l'inoubliable film "Noblesse oblige", sur ce registre des travers de l'aristocratie anglaise moquée avec ce merveilleux humour british)
Son découpage en séquences dynamiques rythme les mésaventures du Fantôme de Canterville et le pragmatisme imperturbable de la famille américaine qui occupe le château en inversant les rôles et en démoralisant le pauvre fantôme, pour lui offrir au final une mort bienvenue ...
Le dessin expressif de Marcelé restitue la beauté et la bonté de la jeune femme qui apportera la paix au spectre !
Si la joliesse des traits de Virginia possède cette douceur c'est en contraste avec la grisaille ambiante : ce choix graphique de Marcelé accroît l'étrangeté des récits, chacune de ses cases est nimbée de gris pulvérisé comme un nuage menaçant décors et personnages, présent dans les deux nouvelles, le château hanté comme le Londres victorien.
Cette maîtrise des dégradés de noir sur un blanc contaminé hisse l'adaptation en images au diapason de cette haute littérature classique, un traitement chromatique original appartenant sans contestation à cet univers réaliste et fantastique. Les codes de la bande dessinée sont ici bien présents, onomatopées incluses, avec ce point d'orgue de la page de fin, une composition pleine page où l'action s'éloigne en ligne de fuite alors qu'à l'avant-plan les auteurs réassignent au lecteur sa véritable place, celle du spectateur. Une réussite !
Jean-François DOUVRY