Erreur système
Une BD de Valérie Mangin et Jenolab chez Casterman - 2022
03/2022 (02 mars 2022) 94 pages 9782203166462 Autre format 444459
Dans un futur proche, la France est devenue pionnière en matière de nouvelles technologies. Chaque individu porte un implant pour se connecter à Internet. Toutes les données personnelles sont conservées dans une Crypte et consultables seulement par la justice et la police, dans le but d'éradiquer toute criminalité. Ce système semble bien fonctionner, mais en pleine campagne présidentielle, Paris connaît une vague d'attentats très meurtriers. D'où vient la faille ? L'inspectrice Anastasia Ovard va mener l'enquête !
Oui, j'aime les récits de science-fiction et d'anticipation surtout quand ils sont bien réalisés. On va suivre une inspectrice de police qui va devoir gérer une affaire de terrorisme dans une France qui préparent des élections présidentielles.
La devise de la République est liberté, égalité et sécurité. Oui, chacun a droit à un implant pour mieux le localiser car après tout, on n'a rien à cacher à l’état si on est juste honnête. Pour autant, certains sont plutôt des déviants par rapport à cette technologie liberticide. Ils le font savoir en faisant sauter des gares et des lieux publics chargés de symboles. Il faut bien les arrêter !
L'enquête va mener très loin et il y aura un gros prix à payer pour connaître toute la vérité qui dépasse tout ce qu'on pouvait imaginer. Bien entendu ,il y a toujours de la manipulation provenant des puissants de ce monde afin de mieux le contrôler.
J'ai pris grand plaisir à lire cette BD dont le récit est d'une efficacité remarquable. L'ensemble est mis en scène avec un graphisme élégant et moderne qui fait dans la clarté ce qui ne gâche rien. Bref, un très bon moment de détente intelligente qui donne à réfléchir sur notre futur collectif.
Valérie Mangin et Jenolab signent une œuvre d'anticipation intéressante tant certains éléments résonnent avec l'actualité (attentats terroristes, immigration, sécurité, connectivité aux réseaux Internet, illusion de la démocratie, flicage des citoyens…), tant d'autres sont presque une réalité (revenu universel, implants obligatoires).
Pour les dessins de ce 'one-shot', Jenolab participe pour la première fois et n'a pas à rougir du résultat: les cases et couleurs sont très léchées, mais peut-être trop numérisées à mon goût.
La vision de cette France du futur est bien amenée et il faut noter la présence de multiples références via des structures (bâtiment François Hollande, Stade Zinédine Zidane), des œuvres littéraires (Universal War bien affichée) ou encore le confinement avec un clone du Conarovirus énuméré.
Comme dit en préambule, la critique est très portée sur l'hyperconnectivité via Internet et les réseaux (de cas) sociaux (Twitter prend cher), mais également sur les "fake news" et autres sources d'informations officielles manipulées avec soin (les médias et Wikipédia se prennent un bon tacle).
J'ai grandement apprécié la critique du monde politique dans le sens où il n'y a aucun manichéisme: chaque parti et faction politique en prend pour son grade, il n'y a pas de parti pris. A une époque où le politiquement correct et l'extrémisme sont légions, c'est appréciable d'avoir une bande-dessinée qui expose ces problématiques sans tomber trop à gauche ou à droite
Malgré Anastasia, l'héroïne, coriace et nuancée à souhait, le récit accumule certains poncifs et phases obligées du genre (poursuite, IA rebelle, complots) vu une bonne dizaine de fois ailleurs. Certains éléments anticipent le twist de fin (ce qui est dommage je trouve), néanmoins la fin est sans concession et raccord avec le reste.
Valérie Mangin me surprend toujours. Elle nous a offert quelques jolies pépites et des histoires bien plus convenues. C’est un peu le cas cette fois-ci alors que plusieurs éléments méritent néanmoins d’être soulignés.
C’est d’abord le premier album d’un nouveau dessinateur et coloriste, Jenolab. Son dessin est attachant même si on se réserve le droit d’être un peu plus exigeant à l’avenir. En revanche ses talents de coloriste et de décoriste sont patents. Sa vision futuriste de notre capitale est réussie, en tout cas dans le ton que voulait donner sa scénariste.
Celle-ci a voulu dans cet album dénoncer les méfaits tant de l’hyperconnectivité que les aspects délétères de l’ultra sécuritaire. Bref ce Big Brother à la sauce cyber se chausse quand même de gros sabots, lesquels sont d’autant plus gros qu’on devine assez rapidement les tenants et aboutissants des attentats qui endeuillent cette France-là. Du coup on tourne les pages mollement, le suspense étant absent depuis longtemps, remplacé par des actions 100 vues et revues au cinoche ou à la télé. Même la fin, pourtant ironique et mordante, en devient prévisible. Dommage !