En Italie, il n'y a que des vrais hommes
Une BD de
Luca De Santis
et
Sara Colaone
chez Dargaud
- 2010
De Santis, Luca
(Scénario)
Colaone, Sara
(Dessin)
Colaone, Sara
(Couleurs)
Montésinos, Éric
(Lettrage)
Migliaccio, Claudia
(Traduction)
01/2010 (22 janvier 2010) 160 pages 9782505007975 Format normal 102179
Une phrase de Mussolini donne le titre – et le ton – à ce très bel album : « En Italie il n’y a que des vrais hommes ». Ainsi, en 1938, aucune loi nationale ne fut promulguée à l’encontre des homosexuels, puisqu’ils étaient censés ne pas exister. Une solution : les déporter sur de petites îles du sud de l’Italie... Dans cet album, deux journalistes rencontrent Ninella, l’un des seuls survivants de cette époque. La relation qui se noue entre ces trois personnages et le témoignage de Ninella, en flash-back, forment un album dur, émouvant, et étonnamment... Lire la suite
Chacun sait que dans l’Allemagne nazie, les homosexuels étaient déportés. En Italie, ce n’est pas parce qu’on n'en parle pas – ou si peu - que la question a pour autant été éludée par Mussolini. Si celui-ci s’est opposé à l’introduction d’une législation homophobe, c’est paradoxalement parce que selon lui, « les Italiens étaient trop virils pour être homosexuels » ! Alors ceux qui se laissaient aller à leur penchant honteux, il a préféré les mettre à l’écart, discrètement, loin des tribunaux, sur une île au sud du pays, croyant circonscrire le mal comme on cache la poussière sous le tapis… Ils n’étaient pas spécialement maltraités par leurs gardiens, mais les conditions de vie étaient rudimentaires, ils manquaient de tout et connaissaient souvent la faim…
Malgré toute la sincérité de la démarche des auteurs (faire témoigner un des derniers survivants ayant séjourné dans ces centres), je ne peux pas dire que j’ai été réellement touché par l’histoire. Si je reconnais que ces personnages peuvent être attachants et que l’histoire d’amour entre Ninella et Mimi est magnifiée par un romanesque que n’aurait pas renié Jean Genet, je n’ai pas été ému outre-mesure, du moins pas autant que je l’aurais voulu. Est-ce dû à la retenue manifestée par les auteurs dans leur souci de ne pas trahir les propos du vieil homme et vis-à-vis de la responsabilité qui était la leur ? Est-ce dû au dessin un peu froid et aux visages peu expressifs ? Du côté de la narration, rien à redire, cela se lit plutôt bien...
Reste l’intérêt historique d’un tel témoignage, grâce auquel on se rend compte que les gays italiens de cette époque avaient déjà une conscience claire de leur identité dans un contexte particulièrement hostile, où tout semblait se liguer contre eux, qu’il s’agisse du machisme ambiant, du catholicisme étouffant ou du fascisme réprimant…