Elecboy
4. Le mur du temps
Une BD de Jaouen Salaün chez Dargaud - 2023
09/2023 (15 septembre 2023) 62 pages 9782505119746 Grand format 478637
En 2060, à la télévision, Ray Katzinger, le patron mégalomane de Zehus entreprise, présente l'ultime étape de son projet Homo Deus : faire « naître » une IA consciente et évolutive, munie d'un corps de synthèse aux propriétés biomécaniques humaines. Il lui faudra près de 50 ans pour se transmuter lui-même, devenir le grand Zehus lumineux entouré de ses anges de la mort, et enfin donner corps à sa plus grande création... En 2122, à Redsalt Canyon, la bataille fait rage entre la communauté des puiseurs, les habitants de la vallée et les IA, plus... Lire la suite
Joshua rencontre enfin le grand méchant Zehus pour un final apocalyptique, tandis que Vittorio et les Puiseurs affrontent Sylvio, son grand-père et ses sbires, afin de gagner leur liberté et faire cesser l'oppression. Ultime opus de cette série, il sera surtout question de délivrer les derniers éléments qui restaient en suspens et de conclure l'histoire de façon définitive.
Je le dis et je le répète de nouveau: c'est beau, très beau. Visuellement, il y a eu du travail et beaucoup de soin apporté aux ambiances. Le résultat aura été à la hauteur de mes attentes et constant du début à la fin. J'ai également noté une certaine recherche au niveau du scénario, dans le fait d'intégrer et d'expliquer le transhumanisme et son origine dans le récit. Malheureusement, les explications à caractère mystico-fantastico-bouddhique ne m'ont pas convaincu pour un iota.
De surcroit, le combat final est un peu trop vite expédié, les moines soldats sont introduits trop rapidement pour être sacrifiés. La sensation de trop plein en terme d'infos balancés en quelques planches est également palpable.
Un dernier problème est à souligner: le précédent album proposait avec générosité un époustouflant final à la Mad Max et sonnait déjà comme une conclusion. Dans le cas présent, cet opus conclut l'autre histoire à base d'IA méchantes et autres technologies futuristes, ajoutant une prolongation pas forcément utile.
Au final, il y aura toujours eu ce caractère bicéphale de deux histoires intéressantes mais qui se tirent mutuellement dans les pattes; il y aurait peut-être bien fallu n'en raconter qu'une.
La qualité graphique de cette série est indéniable. Les couleurs sont splendides et les effets visuels soignés. Par contre, j'ai été tantôt absorbé par l'intrigue au premier tome et tantôt détaché au fil des suivants.
Il manque une certaine simplicité. Je ne sais pas si c'est le découpage mais ce n'était pas assez fluide pour moi. Je pense qu'il aurait été intéressant de n'avoir que le conflit entre clans humains et éventuellement notre personnage principal qui se révèle un androïde.
Ou alors le conflit Humains vs Intelligence Artificielle avec un final explosif.
Mon enthousiasme est plutôt pour l'excellent travail graphique de l'auteur que pour le scénario qui me laisse quelque peu dubitatif...
Cette série qui s’achève aura été bien compliquée et il faut d’abord rendre honneur au formidable artiste qui se confie dans une longue préface intime qui revient sur un projet de vingt ans. Sur ce dernier tome on peut dire qu’il dévoile enfin et assez largement les tenants et aboutissants de cette intrigue sur le transhumanisme inspirée notamment par la prélogie de Dune montée laborieusement par le fils Herbert. Comme tome de conclusion on peut doc dire que la structure narrative est carrée: l’identité du héros enfin révélée, il rejoint une communauté de résistance humaine avant l’assaut final du grand Titan entraperçu dans les précédents tomes. Pendant ce temps les hommes de la vallée confrontent le clan de Sylvio pour déterminer si l’oppression dit se poursuivre ou s’il est temps de réunir les humains…
Le premier effet (partiellement compensé par les révélations sur l’intrigue initiale) est une petite chute de tension après la conclusion intense du tome trois. De même que l’auteur n’aura jamais su relier les puissantes visions SF de combats entre les sages moines-guerriers et les IA et la trame du héros, on retrouve ici cette juxtaposition de deux intrigues jamais reliées qui essoufflent la tension avec un sentiment de frustration lorsque ce héros aussi froid que sa peau affronte son créateur sans que l’on puisse vraiment ressentir d’émotion. Autant la dureté de la trame des deux clans humains est très réussie (avec un des plus détestables méchants vus dans les BD!) et nous touche, autant celle des IA nous laisse assez spectateurs et Jaouen Salaun ne semble pas lui-même savoir comment conclure cette bataille qu’il veut titanesque et qu’il noie sous un ciel mal éclairé en affadissant ses planches.
Toujours incertaine, cette BD semble finalement souffrir d’un manque de définition de son objectif. L’idée de confronter une terre à la Mad Max et un futur hyper-technologique était bonne mais les morceaux n’ont pas vraiment su s’agencer. Ainsi cette communauté humaine créée autour du Dalaï lama permettait un focus héroïque que l’on n’aura vu que par bribes solitaires sur quelques séquences puissantes mais isolées. La bataille motorisée du tome trois semble arriver trop tôt avec une conclusion un peu décalée sur le suivant. Et la trame des IA arrive fort tard, trop pour réellement permettre l’ampleur souhaitée. Le tout trouve alors une asymétrie qui étouffe la création d’un véritable organisme créatif.
Comme vu depuis le premier tome, on sent l’implication, une quantité de travail phénoménale de l’auteur et l’envie de bien faire. Série bipolaire, Elecboy est très réussi dans sa partie personnages, moins dans sa partie SF. Passant près d’un statut de série majeure, elle mérite néanmoins votre intérêt, ne serait-ce que pour les planches somptueuses de bout en bout et pour les idées lancées ça et là. Inabouti mais terriblement généreux.
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/10/25/elecboy-4/