Donjon Potron-Minet
-83. Sans un bruit
Une BD de Joann Sfar et Christophe Gaultier chez Delcourt (Humour de rire) - 2008
09/2008 (24 septembre 2008) 46 pages 9782756014418 Format normal 78186
Le vieil Arakou, père de Hyacinthe, se sent rouillé et se morfond à l'idée de mourir dans son lit. Il n'a de cesse de se rappeler les temps héroïques et ses amis qu'il souhaite retrouver. Il prend alors son fidèle destrier au grand dam d'Alexandra qui, inquiète pour lui, l'accompagne dans cette folle chevauchée. Entre temps, dans les ruines d'Antipolis, Comor et une poignée de seigneurs se préparent à reprendre le pouvoir...
Il est toujours compliqué d'écrire une histoire de reprise qui suit un cycle aussi parfait que celui d'Antipolis. Et pourtant, c'est réussi en tout point dans ce nouveau tome.
D'abord parce qu'il clôture ce cycle dans la destruction totale des grandes familles d'Antipolis suite à la vengeance ( final magnifique de cet opus).
Parce que le dessin de Gaultier est somptueux. Le détail des décors épouse la bible graphique de Blain. Les cases, certes parfois trop petites, sont toujours dans cette noirceur qui caractérise la saga Potron-Minet et le mouvement des personnages sont toujours d'une grande fluidité.
Parce que le scénario est bougrement intelligent. Antipolis est donc détruite et ses poussières de stupre et de de vices se seraient déversés sur Terra Amata. Et durant la quête épique et chevaleresque d'Arakou, accompagnée par le personnage magnifique et torturé d'Alexandra, l'ancienne vie dont il est le symbole va se télescoper avec celle qui fut dans la ville du vice. Et peut être même que pour éviter la désillusion (voire la mort sinistre) sur la condition humaine, il faut faire comme Miguel.
Car au delà des moments drôles autour de Cormor et de sa naïveté positive ainsi que du Troll au pont en quête d'un nouveau pont, "Sans un bruit" est poisseux, inquiétant et le drame monte crescendo jusqu'au final ultra violent autant que salvateur.
Encore un coup de maitre.
" - C'est bon signe qu'ils sortent des armes?
- Oui... pour asseoir leur conviction."
Cet album diffère de tous les autres Potron-minet puisque Hyacinthe n'en est pas le personnage principal, qui laisse sa place à son père Arakou et la bru de ce dernier, Alexandra. Cormor (qui est très présent depuis quelques albums), y joue également un gros rôle. Ici, l'humour, quoique présent, est moins frappant, et on fait de Potron-minet la grande BD d'aventures à l'atmosphère noire et pesante qu'elle s'acharne à développer depuis quelques albums déjà.
Gaultier reprend la plume de Blain de manière quasi-identique, et la transition est magnifiquement réussie.
C'est cet album qui clôt (pour l'instant) l'époque Potron-minet, et tant de questions demeurent toujours sans réponses. Quoi qu'il en soit, cette ère est celle qui m'a donné les émotions les plus fortes en lisant Donjon, y compris les Monsters qui se passent à son époque.
Un véritable tour de force.
Gaultier a la lourde tache de succéder à Blain dans SANS UN BRUIT. Je n'aime pas particulièrement cet album, l'histoire est beaucoup moins surprenante que dans les tomes précédents, les personnages secondaires pas spécialement attachants, l'histoire est beaucoup trop dénuée d'humour ou de répliques cultes, et pour finir, je n'adhère pas aux dessins de Gaultier, en particulier dans la façon qu'il a eu de représenter les personnages principaux, tous maigres comme des spaghettis.
Certains phylactères sont illisibles, on s'arrache les yeux pour décrypter cette écriture de pattes de mouche. Bref, SANS UN BRUIT, malgré quelques bons passages, est globalement décevant.
Aider un troll gardien de pont à s'en trouver un nouveau parce que le sien a été détruit. Lécher les seins d'une femme paralysée par un sort. Etre amoureux d'une reine invisible que l'on comble de cadeaux imaginaires. Retrouver son père mort noyé dans les douves d'un château. Posséder le secret oublié qui déclenche l'auto-combustion des trolls sylvestres. Et surtout se glisser la nuit pour trancher la gorge de ses ennemis endormis, laissant derrière soi une traînée de sang qui s'étend à travers le royaume. L'univers du Donjon, morbide, magnifique, cruel, hilarant. Pourvu que ça continue encore longtemps.