Concerto pour main gauche
Une BD de Yann Damezin chez La Boîte à Bulles - 2019
03/2019 (06 mars 2019) 112 pages 9782849533314 Format normal 362843
Inspiré par la biographie du pianiste autrichien Paul Wittgenstein, Concerto pour main gauche nous transporte dans un univers onirique et poétique, au cœur de la psyché de ce personnage tourmenté, mélancolique et complexe, que seule la musique semble apaiser. Blessé lors de la première guerre mondiale, Paul Wittgenstein fut amputé du bras droit mais poursuivit une carrière de concertiste malgré ce handicap. La fortune laissé par son père lui permit de commander des œuvres pour la main gauche aux plus grands compositeurs de l’époque. Ainsi, c’est... Lire la suite
Je me surprends vraiment à donner cette note de 4 étoiles et également de conseiller la lecture. Il faut dire que ce n'était pas pari gagné d'avance.
En effet, je n'apprécie guère les bandes dessinées en noir et blanc où la narration est omniprésente car il faut alors raconter des choses intéressantes. Là, on entre dans la psychologie d'un pianiste qui a été amputé de son bras droit durant la grande guerre.
C'est inspiré de la vie de Paul Wittgenstein commanditaire du fameux concerto pour la main gauche de Ravel. Le personnage est plutôt assez antipathique. Il a laissé mourir l'amour de sa vie par lâcheté à cause des convenances sociales pour en épouser aussitôt une autre. Par ailleurs, il était fortement nationaliste et contre la classe ouvrière en vivant dans une certaine aisance bourgeoise. Bref, un portrait pas forcément flatteur.
Cependant, il faut aller au-delà de ses propres sentiments pour juger objectivement une bd et admirer tout son potentiel. Il s'agit là d'une oeuvre intimiste d'une grande sincérité. Le graphisme est également fascinant en dégageant un certain onirisme. Au final, c'est réussi dans son effet. Pour une première oeuvre de l'auteur, je ne peux que le féliciter pour cette qualité à la fois d'écriture et du dessin. Le contraire aurait été crétinerie.
Cette « œuvre totale » aurait mérité à mon avis un coup de cœur, tant elle détonne dans le paysage trop souvent convenu de la bande dessinée : dessins servant remarquablement le propos tant historique que musical. On est littéralement immergé dans la musique grâce à ce pari audacieux. Curieusement, le concerto pour la main gauche de Ravel n’est pas explicitement cité mais on le devine sous-jacent. Jankélévitch disait que la supériorité de la musique est de pouvoir mêler plusieurs lignes mélodiques simultanément, permettant à l’esprit une plus grande liberté qu’une narration linéaire ; je trouve qu’avec cet album, on arrive à s’arracher de cette linéarité et à « divaguer » au gré de la musique et de son interprète. Bref, je recommande vivement ce bijou à tout amateur de musique et d’art graphique !