Chroniques de Jérusalem
Une BD de Guy Delisle chez Delcourt (Shampooing) - 2011
11/2011 (16 novembre 2011) 317 pages 9782756025698 Autre format 141310
Guy Delisle et sa famille s'installent pour une année à Jérusalem. Mais pas évident de se repérer dans cette ville aux multiples visages, animée par les passions et les conflits depuis près de 4 000 ans. Au détour d'une ruelle, à la sortie d'un lieu saint, à la terrasse d'un café, le dessinateur laisse éclater des questions fondamentales et nous fait découvrir un Jérusalem comme on ne l'a jamais vu.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un Delisle. j'ai lu bien entendu les fameuses Chroniques Birmanes, Pyongyang et Shenzhen en étant assez critique avec la légèreté de l'auteur. Les années ont passé et voici que j'aborde les chroniques de Jérusalem. Je constate une certaine maturité dans l'écriture. C'est plus dense et l'expérience vécue est très intéressante. Oui, il y a beaucoup de progrès.
Bon, en même temps, je viens d'enchaîner avec Palestine de Joe Sacco qui traite plus ou moins du même sujet sur un mode beaucoup plus engagé. Cependant, Delisle est venu avec une naïveté et une candeur absolue sans aucun préjugé, ce qui rend son témoignage parfaitement crédible.
En effet, il nous fait partager son expérience du quotidien après une année passée à Jérusalem Est. Pour rappel, Joe Sacco n'avait été qu'une seule semaine à Gaza. Et je dois bien avouer que la position des deux auteurs se rejoignent sur le fait qu'Israël est un Etat pas comme les autres qui opprime véritablement les populations palestiniennes.
Les exemples sont nombreux mais cela commence par des petits détails qui montrent l'intolérance d'une partie de ce peuple. On pense bien sûr aux ultra et ou colons ou encore aux soldats. L'actualité du conflit israélo-palestinien est assez récente. L'humour sera moins présent car le sujet est grave. On en ressort totalement vidé avec une exaspération. L'évocation des massacres perpétrés par les arabes sont montés en épingle pour les faire passer pour l'incarnation du mal absolue et justifier une politique inique et injuste. Dans ces conditions, c'est difficile de construire un processus de paix.
Bref, ces chroniques nous apportent un nouvel éclairage sur un autre mode que celui de Sacco mais tout aussi intéressant. On retiendra que la vie à Jérusalem est bien difficile.
Guy Delisle est à l'origine animateur (cinéma d'animation) québécois que les activités professionnelles ont amené en Asie, à Shenzhen (Chine), et Pyongyang (Corée du Nord) dans le cadre du dessin animé Yakari. Puis il a suivi sa femme qui travaille pour MSF, d'abord en Birmanie puis à Jérusalem... Tous ces voyages imposés par sa vie professionnelle ou familiale ont donné lieu à un format qui constitue désormais son oeuvre: le journal de vie, mi humoristique mi documentaire.
Ce qui caractérise les Chroniques de Jérusalem, BD hautement biographique donc, c'est le caractère du bonhomme. Sans savoir s'il scénarise son personnage ou s'il reflète réellement les sentiments de l'auteur, l'on suit une sorte de naïf désintéressé et observant de façon totalement détachée des événements aussi graves que l'opération Plomb durci qui a vu l'armée israélienne massacrer la population de Gaza en 2008-2009, se livrant tantôt à un commentaire posant des interrogations faussement naïves, tantôt considérant ce qu'il voit comme une simple information avant d'aller chercher ses enfants... Or on peut dire que ce qu'il nous décrit dans de courtes séquences de 1 à 10 pages n'est pas totalement "normal" au regard de nos critères européens! Outre la guerre et la présence militaire, c'est surtout l’apartheid de fait et l'omniprésence religieuse qui marque le lecteur. Pas une présence "normale" encore une fois, mais un concentré de toute la folie que peuvent véhiculer les religions: des ultra-orthodoxes par ici qui vous lancent des cailloux si vous roulez en voiture pendant Shabbat, des israéliens qui ne vous parlent pas si vous êtes étranger, des étudiantes palestiniennes qui s'enfuient en voyant un strip de l'auteur montrant une femme nue, des samaritains qui conspuent les juifs par-ce qu'ils traduisent mal la Torah ou des gardiens du Saint-sépulcre (chrétien) qui se répartissent depuis des siècles, quelle confession entretien quelle fenêtre et quel pan de mur... Bien sur on en rigole mais le ton adopté, sorte de Candide en Israël, nous rappelle que cette BD est un journal, un documentaire sur des faits. Et l'on n'a pas très envie d'aller vérifier la véracité de tout ceci tant cela aurait pu s'appeler "un homme au foyer chez les fous"...
Ah oui, le côté "roman français" (qu'on retrouve aussi chez Riad Sattouf dans son Arabe du Futur) c'est que Guy Delisle est dessinateur mais surtout homme au foyer, à gérer les gamins et la logistique pendant que sa femme travaille sur de très grosses journées, à découvrir la vie d'expat' et à naviguer entre le tourisme (compliqué semble t'il), l'ennui et son statut théorique d'artiste (il n'arrive pas à travailler tout au long de l'album...). Cela crée une atmosphère de glandeur terre à terre bien savoureuse.
J'ai beaucoup entendu parler de Guy Delisle, qui a la côté dans le landerneau médiatique parisien bobo. Si je reconnais sa maîtrise du format strip et une certaine efficacité dans l'expression minimaliste et la gestion des silences (très drôles), personnellement je préfère des BD documentaires un peu plus graphiques. Le strip est un format formidable... mais qui perd de son impact quand il est rassemblé sur 300 pages... L'album a le grand mérite de nous faire découvrir une réalité très lointaine et qui se veut objective (je rappelle chaque fois, comme le précise Davodeau sur la préface de Rural! que le documentaire a nécessairement une focale personnelle de l'auteur et par conséquent est orienté), dans ses différentes facettes. On s'y perd un peu par le côté déstructuré et l'absence de "récit" même si progressivement les "personnages" fréquentés par Delisle deviennent familiers.
C'est a mon sens le côté "folie des religions" qui est le plus intéressant, entre le prêtre fan de BD et déconnant sur le Pape et les ultra-orthodoxes. Se défendant de tenir un discours politique, Delisle est pourtant contraint de prendre position notamment contre les colons et la politique de colonisation des gouvernements israéliens. On n'est pas dans le pamphlet chirurgical d'un Joe Sacco (cité dans l'album) mais l'objectivité lui impose de présenter les absurdités et injustices. Comme chez Sattouf l'image donnée du moyen-orient n'est pas reluisante, et l'on sort de la lecture un peu déprimé en se disant qu'une nation aussi psychotique n'est pas sortie de l'auberge...
A lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/27/chroniques-de-jerusalem
Amusant, instructif et agréable à lire.
Si le dessin de Guy Delisle, comme à son habitude, ne présente qu'un intérêt limité, il convient néanmoins parfaitement pour ce genre de récit, puisqu'il fluidifie grandement la lecture.
Dans la lignée de SHENZEN ou PYONG YANG, et donc très bon.
Ça ne vaut pas les deux premiers essais de l'auteur sur le même moule que sont Pyong Yang et Shenzhen, c'est même un poil en dessous de ses Chroniques birmanes, mais ça reste franchement très sympathique cette vision humoristique d'un occidental en voyage (parfois forcé) dans ces pays de tarés.
Connaissant Delisle depuis "chroniques Birmanes" et ayant lu ses périples asiatiques j'attendais beaucoup de "chroniques de Jérusalem".
1. parce que c'est casse gueule comme sujet
2. parce que je n'ai jamais vraiment compris le conflit Israëlien-palestinien
et il a réussi :
1. par sa neutralité (texte et dessin) à retranscrire une ambiance perceptible pour le lecteur sans prendre parti et le laisse seul à ses interprétations : il a "croqué" les faits rien que des faits, de l'incroyable à l'absurde.
2. Il m'a donné les clés pour mieux comprendre le conflit et mieux il m'a donné envie d'en savoir plus. Un VRAI documentaire
bravo Mr Delisle
J'ai découvert Guy Delisle par ses Chroniques birmanes. J'avais été séduit par son art de nous faire partager le quotidien d'un étranger dans une dictature, et surtout combien les oppressions peuvent être invisibles au quidam non concerné.
Là, changement de ton, nous ne sommes plus en dictature mais en démocratie, et tout apparaît beaucoup plus clairement à l'observateur anonyme qu'est l'auteur documentariste.
La société est régie par l'armée en tout point jugé sensible par le pouvoir israëlien, si bien que même dessiner un coin de mur est interdit. On découvre aussi la cohabitation des 3 religions nées dans ce petit territoire et la difficile possibilité de s'entendre, même au sein des "courants" de chacune de ces religions (voir les 6 courants du christianisme... édifiant !)
Cet ouvrage a donc, pour moi, une grande valeur documentaire. Surtout que Delisle a l'art de tout rendre léger. Il ne semble jamais s'énerver et sa sensibilité à fleur de peau donne de l'ampleur à la moindre exaction.
On mesure à quel point les associations non gouvernementales sont courageuses d'agir là-bas, à la merci de tous les excès.
Le trait toujours simple et précis, le propos toujours clair et alternant entre quotidien et actualité, c'est, pour moi, un régal de chaque instant.
Ce petit pavé a, encore une fois, le mérite d'être sinistre et drôle, rempli d'exceptionnel et de banal, enfin, bref, c'est à lire lentement pour prendre son plaisir et réfléchir en même temps.
Une très bonne surprise. Le ton est plutôt sympa, voir drôle. L'auteur est plongé dans un pays qu'il ne connait qu'à travers les informations, nos médias et se heurte à la vérité que vivent les habitants du pays. On apprend donc pas mal de choses, et cela reste pourtant très clair. De plus, tout au long du livre, l'auteur garde une certaine distance sur lui-même et sur son travail, ce qui permet de s'identifier à lui et de vivre, à travers ses yeux, les journées "touristiques" qu'il suit.
Les dessins, si en feuillant le livre, peuvent paraitre trop "simple", sont en fait parfaitement adaptés à la vision de l'auteur. On n'est pas ici dans un documentaire ou un reportage, mais dans un carnet de voyage purement subjectif qui a le mérite d'être franc, avec toutes les questions qu'il pose (sans trouver de réponses) et toutes difficultés auxquelles nous serions tous confrontés puisque, ne disposant pas d'une carte de presse.
Un beau témoignage à lire tranquillement, et qui donne envie d'en savoir plus sur ce conflit si commenté dans les médias, et pourtant jamais expliqué clairement. Les médias ne parleraient-ils qu'à eux-même ?...
Il s'agit de bonnes tranches de vie d'un dessinateur qui vit avec sa famille a Jerusalem. Tout a fait un autre genre que Gaza 1956 de Sacco, il donne cependant quelques reflexions et coupe certains prejuges que l'on pourrait avoir sur la vie a Jerusalem. Simple et efficace. Une bonne lecture.
Sans le coup de projecteur du festival d'Angoulème, je serai sans nul doute passé à côté de ce pavé. C'est le premier livre de Guy Delisle que je découvre, et malgré ses 335 pages, je l'ai dévoré dans la journée.
Ce carnet de voyage est vraiment époustoufflant. Je ne m'y suis pas ennuyé une seule seconde.
Ouvrage très instructif, drôle et avec des reflexions pertinentes.
Delisle nous relate ,avec ce côté "huron", à la Voltaire ces choses que nous connaissons tous à travers les reportages télé: "les check points, l'intifada,les juifs orthodoxes, les juifs non orthodoxes et surtout ce mur, très présent dans cet ouvrage, à un point que je ne me l'imaginais pas.
Le tout sur un fond assez décalé, celui de la situation d'homme au foyer de dessinateur.
Ayant été dans cette position pendant longtemps, je me suis reconnu dans certaines situations.
Bref, un livre que j'ai adoré.
J'aime beaucoup ces BD reportage en immersion dans un pays au ras de la poussette, où tout est observé par petites touches sans à priori, avec des contrepoints surprenants où l'auteur accepte de voir ses convictions chamboulées.
Le dessin faussement simple sait admirablement refléter l'ambiance et faire partager les sentiments.
Et je retrouve beaucoup de l'ambiance que j'ai vécu il y a plus de 30 ans, de ce pays complexe à la fois attachant et effrayant, où le pire côtoie le meilleur chez les deux peuples, mais ce qui est désespérant c'est qu'il semble qu'il n'y ait aucun progrès, bien au contraire.
Indispensable à la compréhension de la problématique du moyen-orient, à la place de longues lectures rébarbatives.
Guy Delisle et sa famille (donc sa femme et deux enfants en bas-âge) s'installent pour une année à Jérusalem. Arrivée en Israël, août 2008, dans un aéroport archimoderne, accueilli par un chauffeur de l' Organisation Non Gouvernementale, M.S.F.
Ils se retrouvent dans un appart, dernier étage d'un petit immeuble. Première nuit à Jérusalem. Réveil difficile, une alarme très forte a retentis, longuement et j'imagine sourdement ... Inspection des lieux, du quartier. Ils sont dans la partie Jérusalem "Est". Village arabe, annexé suite à la guerre des six jours de 1967.
Nadège, son épouse va travailler dans la bande de Gaza, où MSF-France a ouvert une mission de chirurgie post-opératoire, de pédiatrie et de support psychologique.
Jérusalem, ville aux multiples visages, animée par les passions et les conflits depuis près de 4000 ans.
Au détour d'une ruelle, à la sortie d'un lieu saint, à la terrasse d'un café, notre héros, Guy Delisle lui-même, laisse éclater des questions fondamentales et nous fait découvrir un Jérusalem comme on ne l'a jamais vu ... par l'intermédiaire de ses croquis, de son humour, de sa neutralité (Delisle est athée).
Sous forme de narration, style journal de bord, voire du carnet intime de Guy Delisle, nous allons en apprendre et peut-être y comprendre un peu plus de la situation sur place ...
Une expérience sur un sujet difficile qu'il nous relate, non sans humour !
Dans une volonté de décrypter la ville, Guy Delisle profite de sa position et grâce à sa curiosité, non sans mal, il parcours le pays dans les limites du possible. Il y a ce mur de séparation, pris de nombreuses fois en croquis ...
Entre fiction et réalité, les Chroniques de Jérusalem, ce sont autant d'anecdotes du quotidien de notre petite famille entre la fin d'année 2008 et début 2009.
Il faut se souvenir que durant cette période, ce fut aussi, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" lancée sur la bande de Gaza, le 27 décembre 2008 ... après 22 jours de combat, le bilan est lourd : 1 300 Palestiniens tués (parmi lesquels 900 civils dont 300 enfants) et environ 5 300 blessés.
L'auteur changera un peu son style de narration, au jour le jour ... sans pour autant faire du journalisme. Le texte reste simple. Le dessin l'est aussi. C'est fluide. Et pourtant, impossible d'en dire autant de ce qui se passe dans cette guerre ...
Dans un style très sobre, informatif, quasi documentaire parfois, pointant les particularités nombreuses, les bizarreries, voir les absurdités, propres à Jérusalem, les différences entre habitants, les colonies, le mur, l'accès à Gaza, la difficulté des transports en communs ... voici 330 pages de lectures marquantes pour l'auteur.
J'ai pris plusieurs jours (trois je crois) pour la lire en ayant fais quelques recherches, essentiellement sur le site de MSF ...
J'ai également parcourus les archives du blog d'un Canadien parcourant la ville sainte ... !
Cette lecture me confirme qu'il faut passer presque une année complète pour s'imprégner complètement des us-et coutumes ...
Je ne suis pas forcement plus éclairé sur le le conflit israëlo-palestinien après la lecture de cet album.
Maintenant, c'est de bon ton que de prendre du temps dans cette lecture plutôt que de regarder un reportage télé spécial de ce conflit ...