Chez Adolf
1. 1933
Une BD de Rodolphe et Marcos, Ramón chez Delcourt (Histoire & Histoires) - 2019
06/2019 (19 juin 2019) 54 pages 9782413010319 Grand format 369260
Qu’aurions-nous fait à partir de 1933 si nous avions été Allemands ? En suivant le parcours des habitants d’un petit immeuble situé dans une ville d’Allemagne, Chez Adolf raconte la montée du nazisme et ses dégâts irréversibles. Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne. Ce jour-là, le bar au rez-dechaussée de l’immeuble où réside le professeur Karl Stieg change de nom pour s’appeler Chez Adolf, patronyme du propriétaire. C’est aussi le jour où Karl décide de tenir un journal sans imaginer à quel point les années à venir vont... Lire la suite
Un cycle tellement historique et humain dans un monde impitoyable ou Mr Toulemonde au pays des nazis: tout est vrai, la peur, l'indifférence, le fanatisme, l'héroïsme, le sordide, le nationalisme, la fierté, la lâcheté...Jusque où notre Karl Stieg va -t-il s'enfoncer et avec lui la nation allemande?
L'année 1933 est marqué par l'entrée officielle des nazis au gouvernement allemand puisque le président Hindenburg a nommé Hitler à la tête de la chancellerie le 30 janvier. Il ne faut jamais oublier que c'est la démocratie qui a permis à un populiste de détruire totalement son pays à l'issue d'une guerre ayant fait 50 millions de morts sur la planète. Il n'y a encore jamais eu pire.
Je me suis souvent demandé comment l'Allemagne avait pu faire une telle erreur de jugement. Mais bon, après bien des années, le populisme est revenu dans nos démocraties et je peux même désormais balayer devant ma porte à l'occasion de ces élections présidentielles. Tôt ou tard, l'inéluctable pourra arriver.
On assiste par les yeux d'un allemand à la montée du nazisme et ses exactions au travers la vie d'un immeuble et d'une brasserie où l'on peut boire une bonne bière en saluant comme il se doit Adolf. Bienvenue dans la taverne allemande façon Gestapo et chasse aux juifs ! Moi, perso, j'aurais envie de fuir à toute jambe.
C'est vraiment par petites touches rapides que la vie du Reich va changer. Même les plus modérés sont obligés d'adhérer de gré ou de force au parti. Il en va de leur vie. Petit à petit, la lâcheté s'installe au milieu d'un climat de défiance. On assistera à la destruction des biens juifs (avant de s'en prendre à leur vie) et des livres hostiles soi-disant à la grandeur de l'Allemagne. Exit Franz Kafka, Ernest Hemingway, André Gide, Sigmund Freud, Stefan Zweig ou Jack London !
Cette nouvelle série n’innove pas vraiment par rapport à ce que j'ai déjà lu sur le sujet de la montée du nazisme. Pour autant, c'est très bien dessiné et plutôt bien construit. J'ai aimé ce nouveau témoignage qui peut toujours être utile pour comprendre les différents rouages d'un système totalitaire. Quand on fustige une catégorie de population, voilà ce que la haine peut donner. Comme dit, plus jamais ça ! Mais comme dit, l'histoire se répète tant qu'il y aura des dictateurs sanguinaires rêvant de conquêtes...
La montée du Nazisme comme tourmente qui emporte tout le monde. Où quand un monde se délite et que la solution semble être dans un retour de l’ordre. Et cet ordre est porté par Adolf Hitler et ses sbires. Les braves gens se laissent emporter par une vague de haine qui ne cesse de croître. Cela commence par un surcroit de discipline pour se muer en supériorité ethnique où chacun veut faire partie de la race supérieure en acceptant les pires aberrations. Ce n’est pas une histoire d’hier que l’on regarde en se disant : « heureusement c’est fini ! ». Non, ce n’est jamais fini comme le démontrent si bien les romans de Todd Strasser « La vague » et de Timus Vermes « Il est de retour ».
Tout commence par le changement de nom du bar, en bas d’un immeuble, que le patron décide de renommer « Chez Adolf » lorsque Hitler devient chancelier. Il invite locataires et propriétaires à venir fêter cela. Quelques résidents juifs sont même de la partie ne pouvant imaginer l’horrible futur qui se prépare. Le professeur Karl Stieg réside lui aussi dans l’immeuble. Et c’est à travers ses doutes et ses hésitations que nous tournons les pages et avançons dans l’histoire jusqu’à l’autodafé et la destruction de tous les livres allant contre le nouvel esprit allemand.
Je suis curieux de connaître dans les albums suivants le chemin que prendra le professeur. Celui-ci semble censé mais quand la vague surgit, il est difficile de lui échapper car elle déverse aussi son écume de peur pour rappeler qu’une vague encore plus grande peut survenir. Comme dans le livre de Kathrine Kressmann Taylor « Inconnu à cette adresse » où rien ne laissait présager que deux très bons amis allaient se haïr jusqu’à un point de non-retour, nous pressentons que les esprits commencent à se modifier.
Heureusement que le ressac peut transporter les foules dans un sens différent. Rodolphe nous offre un scénario, qui sans être d’une très grande originalité, à l’extrême mérite d’exister pour rappeler sans cesse qu’il nous faut être vigilant et ne pas laisser la bêtise, entremetteuse de la haine, ruiner la paix et la liberté. Le graphisme de Ramon Marcos est efficace et sert admirablement la petite et la grande histoire.