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La bande dessinée mémorielle est un exercice difficile, qui se borne souvent à un effilement de textes illustrés, sans réel apport du support. Quand le devoir de mémoire se double d’un aspect engagé revendiqué, le pire est à craindre, surtout sur le sujet toujours clivant de la guerre d’Algérie.
Et pourtant s’il y a dans le travail de Jeanne Puchol un point de vue clair, celui de la fille de deux français d’Algérie pro-indépendance, et une subjectivité assumée, elle ne sombre dans aucun des écueils attendus. Elle construit son récit à partir de bribes : ses maigres souvenirs, les abondantes archives, sa participation à des commémorations au Père Lachaise et la mémoire de ses parents. Une mémoire défaillante, qui se cherche, qui n’a pas peur de l’imprécision mais est claire sur les émotions, et la tension palpable ce 8 février 1962 où au métro Charonne huit manifestants mourront tués par les coups de matraques des policiers ou étouffés par ceux qui, comme eux, tentent de fuir les forces de l’ordre dans l’étroit escalier souterrain. Pour autant le livre ne sombre pas dans le manichéisme : décrivant l’escalade macabre entre l’OAS et le FLN, il s’engage avant tout contre tout fanatisme, et rappelle que dans ce genre de conflits ce sont toujours des innocents qui trinquent les premiers...
Graphiquement, Jeanne Puchol fait fort. Avec son dessin au réalisme quasi photographique, elle prenait le risque de tomber dans un illustratif voyeur. Avec une grande subtilité, elle évite sans mal cet écueil en convoquant toute une panoplie graphique prouvant que le réalisme n’est pas qu’une copie du réel : jouant sur les cadrages (les entretiens avec ses parents, dont on devine le malaise sans jamais les voir, sont une vraie prouesse), réalisant des compositions majestueuses comme autant de prouesses graphiques, notamment dans l’épisode de la manifestation, n’hésitant pas à remplir des pleines cases de mots, sur lesquelles elle effectue des glissements phonétiques qui dépassent toujours le simple jeu sémantique. Ainsi on glisse de Charonne à Charon, le passeur des morts de l’Antiquité qui deviendra une sorte de narrateur omniscient, mais aussi l’ancien nom colonial de la ville de Boukadir, tristement prédestiné.
Formellement, le livre étonne aussi. Publié chez un petit éditeur de textes engagés, il ne se démarque pas des autres titres de la collection. C’est un essai comme un autre : rarement une bande dessinée a été traité avec tant d’égards. Mais ce juste traitement a son revers, une diffusion difficile chez les libraires spécialisés, et le risque de passer inaperçu. Petit par la taille, ce grand livre doit impérativement être découvert en ces temps où certains rechignent encore à reconnaître leurs fautes, dans un camp comme dans l’autre.
La bande dessinée mémorielle est un exercice difficile, qui se borne souvent à un effilement de textes illustrés, sans réel apport du support. Quand le devoir de mémoire se double d’un aspect engagé revendiqué, le pire est à craindre, surtout sur le sujet toujours clivant de la guerre d’Algérie.
Et pourtant s’il y a dans le travail de Jeanne Puchol un point de vue clair, celui de la fille de deux français d’Algérie pro-indépendance, et une subjectivité assumée, elle ne sombre dans aucun des écueils attendus. Elle construit son récit à partir de bribes : ses maigres souvenirs, les abondantes archives, sa participation à des commémorations au Père Lachaise et la mémoire de ses parents. Une mémoire défaillante, qui se cherche, qui n’a pas peur de l’imprécision mais est claire sur les émotions, et la tension palpable ce 8 février 1962 où au métro Charonne huit manifestants mourront tués par les coups de matraques des policiers ou étouffés par ceux qui, comme eux, tentent de fuir les forces de l’ordre dans l’étroit escalier souterrain. Pour autant le livre ne sombre pas dans le manichéisme : décrivant l’escalade macabre entre l’OAS et le FLN, il s’engage avant tout contre tout fanatisme, et rappelle que dans ce genre de conflits ce sont toujours des innocents qui trinquent les premiers...
Graphiquement, Jeanne Puchol fait fort. Avec son dessin au réalisme quasi photographique, elle prenait le risque de tomber dans un illustratif voyeur. Avec une grande subtilité, elle évite sans mal cet écueil en convoquant toute une panoplie graphique prouvant que le réalisme n’est pas qu’une copie du réel : jouant sur les cadrages (les entretiens avec ses parents, dont on devine le malaise sans jamais les voir, sont une vraie prouesse), réalisant des compositions majestueuses comme autant de prouesses graphiques, notamment dans l’épisode de la manifestation, n’hésitant pas à remplir des pleines cases de mots, sur lesquelles elle effectue des glissements phonétiques qui dépassent toujours le simple jeu sémantique. Ainsi on glisse de Charonne à Charon, le passeur des morts de l’Antiquité qui deviendra une sorte de narrateur omniscient, mais aussi l’ancien nom colonial de la ville de Boukadir, tristement prédestiné.
Formellement, le livre étonne aussi. Publié chez un petit éditeur de textes engagés, il ne se démarque pas des autres titres de la collection. C’est un essai comme un autre : rarement une bande dessinée a été traité avec tant d’égards. Mais ce juste traitement a son revers, une diffusion difficile chez les libraires spécialisés, et le risque de passer inaperçu. Petit par la taille, ce grand livre doit impérativement être découvert en ces temps où certains rechignent encore à reconnaître leurs fautes, dans un camp comme dans l’autre.