Brancusi contre États-Unis
Une BD de Arnaud Nebbache chez Dargaud - 2023
01/2023 (06 janvier 2023) 128 pages 9782205202342 Autre format 462478
1927, un procès ubuesque se tient à New York. Avocats, témoins, experts et artistes débattent pour savoir si le travail de Constantin Brancusi doit être considéré comme de l'art. En écho, à Paris, le sculpteur et ses contemporains doutent. Le travail de Brancusi est-il à la hauteur face au génie de l'artisanat et de l'industrie ? Le nouveau continent a-t-il les épaules pour jouer le rôle central dans l'art moderne que l'histoire lui impose désormais ?
Ignare que je suis, je ne connaissais pas Brancusi. Il a fallu que je le découvre avec cette BD. Pour rappel, il s'agit d'un sculpteur roumain naturalisé français qui a été l'un des plus influent au début du XXème siècle. Il a notamment poussé l'abstraction sculpturale jusqu'à un stade jamais atteint dans la tradition moderniste. Bref, un Picasso dans la sculpture.
Il a notamment travaillé durant sa jeunesse dans l'atelier d'Auguste Rodin (que je connais un peu mieux). Il le quitte assez rapidement jugeant qu'il ne pousse tien à côté des grands arbres. C'est bien dit car parfois, il faut s'envoler de ses propres ailes et non rester dans l'ombre d'un maître.
Un épisode marquant de sa vie a été une affaire judiciaire l'opposant aux Etats-Unis. En effet, les américains ne comprenant rien à l'art ont saisi une œuvre en métal à la douane en pensant que c'était du matériel industriel soumis à de fortes taxations.
L’œuvre en question est intitulée « oiseau dans l'espace » mais cela ressemble à une hélice de bateau. Oui, c'est du surréalisme et de l'abstraction ! Il faut imaginer que c'est un oiseau en train de s'envoler.
Ce procès est intéressant car il pose les questions suivantes : qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Quels sont les critères pour juger ? Et surtout qui est juge en la matière ? Alors, objet manufacturé dont on ignore l'utilité ou œuvre d'art à exposer dans les plus grands musées du monde ?
On aura droit à une succession de visions antagonistes d'expert en art moderne, collectionneurs et marchands qui rendent la situation assez cocasse et d'une stupidité absolue à mon humble avis. De nos jours, cela ne pourrait plus se reproduire. Il faut préciser que cela se situe en 1927 à une époque où l'ouverture d'esprit sur les choses d'art n'était sans doute pas aussi élaborée.
Ce procès s'est quand même terminé favorablement pour l'artiste. On assiste à la reconnaissance d'une nouvelle conception de l'art et son intégration dans le domaine juridique. Le droit se heurte à la définition de l'art et à son évolution. En l'occurrence, on voit bien que les frontières de l'art sont élargies pour intégrer une nouvelle conception de l'art qui cherche à représenter des idées abstraites plutôt qu'imiter la nature. Il est question de liberté dans la création. Il ne faut pas punir l'audace !
J'ai apprécié cette lecture non pas par ma connaissance de l'art mais en ma qualité de juriste. Cela apporte toujours quelque chose.