La belette
Une BD de Comès, Didier chez Casterman (Les Romans (A Suivre)) - 1983
09/1983 140 pages 2203334177 Format normal 10 à 15 euros 22883
Deux citadins, Gérald et Anne, viennent de s’installer dans un village des Ardennes en compagnie de leur fils Pierre, un adolescent autiste. Les premiers contacts avec les habitants – dont un voisin aux manières fuyantes, un curé en veine de prosélytisme et une femme étrange toute de noir vêtue, surnommée « la Belette » – sont difficiles, parfois houleux. Mais la tension s’avive lorsque Gérald, réalisateur de télévision très condescendant vis-à-vis des « superstitions » locales, décide de réaliser un documentaire sur les anciens rites sorciers... Lire la suite
"La Belette" mélange le fantastique au polar avec des personnages aux traits allongés, ainsi que le village de "Amercoeur" qui regroupe d'étranges villageois. Toujours emprunt aux récits de sorcellerie et au mystique, Comès propose quelque chose qui oscille entre le chamanisme et la différence. Sur fond de dogme religieux, toute l’œuvre sera basé sur l'évolution de Pierre un jeune homme autiste difficile à cerner et de sa mère, qui attends un enfant. Malheureusement, malgré les quelques péripéties et personnages lunatiques, la quête de Pierre ainsi que de sa mère n'amène pas à quelque chose qu'on pourrait qualifier de surprenant, car c'est trop logiquement amené, trop prévisible pour que le one shot soit vraiment qualitatif jusqu'au bout. Le dessin est également moins marquant qu'a l'accoutumé de la part de Comès, à part les animaux, toujours représentés avec beaucoup de grâce et de détails.
Anne et Gérald s’installent dans la campagne ardennaise. Ils y découvrent un monde à mille lieues de leur existence de citadins, où la sorcellerie dépasse le simple cadre du folklore. L’univers que dépeint Comès est celui de l’ancien temps, mis à mal par l’avènement d’une pensée plus rationaliste et d’une technologie en plein développement, mais qui garde par endroits de farouches adeptes.
Pour Anne, l’acceptation d’une nature qui dicte ses lois à l’homme, contraint de s’y plier et de vivre en harmonie avec son environnement, se fera progressivement. Enceinte de son deuxième enfant, elle trouve dans la nature et sa qualité de mère nourricière le réconfort que l’Église et ses dévots n’ont jamais pu lui apporter. Ce sera également l’occasion pour son premier fils, autiste, de s’ouvrir à un monde qui accepte sa différence.
Comme à son habitude, Comès place l’humanité et l’authenticité des relations au centre de son récit. Les contes et légendes de nos ancêtres, pour un temps, redeviennent réalité sous la plume de l’auteur, lequel nous gratifie en outre d’un dessin en noir et blanc d’une grande élégance.
Amercœur, petit village aux rancœurs tenaces en plein cœur des Ardennes belges. Pierre, Anne et Gérald d’authentiques citadins viennent d’emménager dans la demeure de Théophile. Anne fragilisée par sa grossesse ne supporte plus rien, excédée par l’abandon progressif de Gérald, un réalisateur carriériste, elle vit mal ce déménagement. Entre elle et son époux, il y a Pierre, un garçon joliet et sans âge. Pierre dont la naissance a souffert d’un manque d’amour maternel, se replet dans le mutisme et son autisme. Involontairement, il est la pierre branlante de ce couple, objet de jalousie. Cette nouvelle demeure censée recimenter le couple reflète une ambiance délétère, malsaine à l’image de ce voisinage jacassier et pesant.
Il y a le fermier patibulaire dont le fils rôde, fantasmant sur les formes d’Anne et dont la chambre renferme un véritable sanctuaire. Monsieur Renard, fouineur, inquisiteur au faciès impressionnant paraît ne pas trop apprécier leur voisinage. Schonbroodt, le curé désœuvré dont les paroissiens se font rares, intrinsèquement, il s’est promis de ramener en son giron les nouvelles brebis égarés, pour lui la cause de ses malheurs et cette nouvelle engeance de Satan, incarnée par la télévision. Suppôt du malin, elle désacralise, elle cache en son sein le paganisme, crachant sexe et violence en pleine figure, dévoyant l’homme. Et il y a La Belette, cette vénusté sibylline, inquiétante et envoutante qui semble commander aux animaux. Peu à peu, d’étranges adversités s’insinuent dans le quotidien d’Anne. Entre songe et morts, entre sort et chimère, entre rite et religion, les êtres vont tenter de s’accaparer la future mère. Gérald la délaissant, celle-ci va devoir affronter seule ces mystères dans cette demeure qui intéresse beaucoup trop de monde, dans une bâtisse qui recèle un bien triste secret. Pierre, l’autiste s’avère posséder des pouvoirs insoupçonnés, hérités de la mythique salamandre que seul la Belette et son père ont pu ressentir.
Amercoeur se déchire ex abrupto, engendrant une nuée de mort inexpliquée. Sorcellerie. Satanisme ou simple vengeance. Pierre et Anne semble au cœur de ce tenaillement.
Avec La Belette, Comès nous plonge dans un monde en quête de repère, partagé entre modernisme et tradition, entre religion et philosophie. Un voyage dans l’univers du paganisme, du druidisme et des anciennes religions, servi par une ambiance quasi mystique avec des personnages quasi androgynes. La religion et la nature sont omniprésentes mais jamais oppressantes, entre Déméter et Dieu le père le combat s’annonce acharné. Un retour aux sources, à la nature, aux religions ancestrales pour pallier les carences, les doutes engendrés par le monde moderne, une histoire et un dessin qui porte à nouveau Comès vers les sommets.
Un magnifique album, que je relis souvent.
Un dessin noir, inquiétant. Une histoire où se mèle croyances de campagne, sorcellerie, querelles de clocher et règlement de comptes de village ...