Australes - Deux récits du monde au bout du monde
1. Voyage aux îles de la Désolation
Une BD de
Emmanuel Lepage
chez Futuropolis
- 2011
Lepage, Emmanuel
(Scénario)
Lepage, Emmanuel
(Dessin)
Lepage, Emmanuel
(Couleurs)
Roudaut, Stevan
(Lettrage)
03/2011 (10 mars 2011) 156 pages 9782754804240 Grand format 123523
Pour la mer — afin de la comprendre et de savoir la dessiner —, pour les Terres australes — qui sont comme la promesse d’un temps qui n’est plus —, en mars et avril 2010, pendant plusieurs semaines, Emmanuel Lepage a embarqué sur le Marion Dufresne, au départ de Saint-Denis de La Réunion, pour faire le voyage dans les T. A. A. F., les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Les Terres australes : îles de Crozet, d’Amsterdam, de Saint-Paul et, la plus connue, de Kerguelen, jadis surnommées les îles de la Désolation. Des confettis d’empire,... Lire la suite
Très beau et profondément humain, très instructif, sans être non plus un chef d’œuvre absolu (trop contemplatif).
Le sentiment d’évasion...
C’est ce que je cherche depuis toujours en BD et que je retrouve ici une fois de plus.
Emmanuel Lepage est l’un des auteurs de BD les plus en vogue en Bretagne. Moi même, je dévore ses récits depuis l'adolescence : Névé, La Terre sans mal, Muchacho, Oh les filles, Un printemps à Tchernobyl, Cache-cache bâton...
Au fil de l’eau, Emmanuel Lepage s’est rapproché de la BD du réel... mais sans oublier d’y mêler une touche de mélancolie, un soupçon d’enchantement, des élans fantasmagoriques, propre à son style et à celle de son « école ».
Parmi son œuvre déjà pléthorique, Voyage aux îles de la Désolation est l’album qui m’a le plus marqué. Il a été suivi d’un deuxième opus, intégrant aussi les photographies de son frère François, qui l’a lancé dans ces deux voyages (La lune est blanche).
Jamais je n’ai vu d’aussi belles aquarelles ! Et j’ai aussi été frappé par les talents de compositeur de Lepage, dans le sens où il a su concilier des éléments assez disparates, provenant notamment de son carnet de voyage, pour en tirer un véritable chef-d’œuvre BD. C’est indubitablement un travail d’une grande exigence, dont le sujet central est les TAAF !
Qui est déjà allé en mer l’hiver, se remémorera le souffle glacé des vagues ! Mais, pour les plus heureux, toujours suivi d’un retour au chaud et à la douce convivialité du foyer.
Et puis, cette BD comme sa suite ont une dimension environnementale. Outre le cadre géographique, saisi dans son jus, parfois étrange, parfois familier, parfois désert, parfois habité... Emmanuel et François Lepage ont su montrer les interactions de l’Homme avec leur milieu, qui est ici hostile et dur. Plus encore, les deux frères ont su mettre en image les capacités de l’Homme, qui peut survivre maintenant dans n’importe quel milieu, à transformer son environnement, dans un sens ou dans un autre (exploitation des ressources dans une perspective capitaliste ou protection de la nature quasi biblique).
Ainsi, il y a toute une réflexion sur la biodiversité, avec la question de l’éradication d’espèces introduites (les lapins des Kerguelen par exemple, qui résistent même à la myxomatose !). Idem pour le tourisme antarctique, qui pose un sacré dilemme à notre auteur... Enfin, on comprend mieux le risque qui pèse sur les habitants des îles et des littoraux face aux cyclones, avec les naufragés de Tromelin (nom d'explorateur qui se réfère à la toponymie bretonne, "vallée du moulin", comme Kerguelen, "lieu du houx").
Au final, c’est donc une BD pour les amoureux d’exploration, de marins bretons, de cartes, de virtuosité, d’intermondes, d’océanographie et surtout... de notre environnement, aussi précieux que fragile.
Emmanuel Lepage embarque sur le Marion Dufresne pour un long voyage vers les terres australes françaises : Crozet, Kerguelen, Saint-Paul, Amsterdam… Un voyage expérimental tant pour l’équipage de scientifiques que pour le dessinateur qui aborde cette mission avec autant d’envie que d’appréhension. J’ai vraiment aimé la narration qui se fait au rythme lent de la navigation. On a le temps de s’immerger dans ces paysages austères et dans la vie du bateau. Emmanuel Lepage dessine la mer avec toutes ses nuances de transparences, de bleu, de gris et noir, fait un portrait très sensible de ses compagnons de voyage en s’attachant à leurs parcours personnels, croque avec discrétion les moments de travail et de détente, les sourires, les conversations. De ces moments pris sur le vif se dégagent une ambiance très particulière, l’intimité du bord, les petits détails du quotidien. On se sent appartenir à l’équipage.
Les planches en noir et blanc racontant le quotidien sont entrecoupées de somptueuses aquarelles en couleur sur la mer, le ciel et les îles. S’y ajoutent quelques flashbacks historiques qui rappellent les aventuriers et les drames de ces terres lointaines. C’est beau, dépaysant et intéressant. On apprend plein de choses ! M’a beaucoup plu la place prépondérante que prennent les scientifiques dès que l’équipage est à terre. Ils veillent ! Ne pas déranger la faune, ne rien abîmer, laisser le moins de traces humaines possibles, telles sont les règles à terre. Carnet de voyage, témoignage, hymne à la nature, documentaire passionnant sur les TAAF, cet album est une pépite à lire et à relire pour s’évader et découvrir.
Dans cette bande dessinée, Emmanuel Lepage nous conte la rotation du « Marion-Dufresne ». Il s’agit en fait d’un navire ravitailleur des bases scientifiques des terres australes, entre les îles de La Réunion, Tromelin, Amsterdam, Saint-Paul, Kerguelen et Crozet. Le Marion-Dufresne, affrété par l’Institut Paul-Emile Victor, est à la fois un paquebot, un pétrolier, un porte-conteneurs et un navire océanographique.
Les très beaux dessins d’Emmanuel Lepage mettent en valeur la beauté et l’étrangeté des paysages et surtout les relations humaines qui se nouent entre les participants au voyage, aux métiers très différents : marins, médecins, biologistes, mécaniciens, logisticiens, météorologistes, etc.
Je m’attendais à connaître un état de désolation mais c’est plutôt un enchantement que recèlent ces bouts d’îles au bout du monde qui paraissent encore préservés de l’activité humaine intensive. Visiblement, le genre documentaire va très bien à l’auteur dont j’ai lu récemment Un printemps à Tchernobyl. La démarche semble être la même : voyager pour comprendre et pour témoigner. Le message subliminal que l’œuvre véhicule : la préservation d’une nature intacte.
Entre carnet de voyage et bd, l’auteur nous fait découvrir l’histoire des lieux, des hommes et des espèces animales ou végétales vivant dans des conditions extrêmes. C’est un travail plus qu’honorable. Du dépaysement garanti avec une richesse du détail et des dessins. La fraîcheur australe va nous emporter…
Je me faisais une joie de voyager en Terres Australes avec le grand Emmanuel Lepage mais hélas, la lecture de cet élégant album m’a largement déçu, même s’il n’est pas inintéressant.
Lepage a eu le privilège rare d’être invité sur le navire océanique français "Marion Dufresne" qui ravitaille ces territoires. Le potentiel était donc immense pour un carnet de voyage grandiose, surtout parce que ces îles (Kerguelen, Crozet, etc…) sont une destination très peu fréquentée en dehors de la communauté scientifique.
Mais malgré son talent immense aux crayons il est passé, pour moi, à côté de son sujet. Adoptant un ton neutre et descriptif, il n’a rien à dire de plus que ce qu’il voit, ayant du mal à exploiter et retranscrire la richesse d’un tel périple, faisant pendant des pages entières la revue des passagers et de l’équipage... Il n’a pas pris la peine de scénariser son excursion, la racontant de façon linéaire et peu fluide. Pas d’exaltation ni hauteur de vue, des poncifs sur la solitude et la fraternité… L'ennui m'a gagné.
Il se met lui-même en scène, terne, maussade, amer et peu inspiré, se plaignant de ne faire "que passer"… S’il n’a pas su en profiter, lui, comment pourrait-il en faire profiter ses lecteurs ? Il reste constamment à distance, sans s’impliquer émotionnellement. Ça ne m'a pas touché et même laissé une impression un peu bizarre. En tout cas je n’aurai malheureusement aucune envie de relire cet album qui m'a semblé déprimant malgré son style virtuose.
Une BD exceptionnelle
Une BD, mais aussi un carnet de voyage très détaillé et documenté. Lepage nous entraîne dans un voyage au bout du monde vers les terres australes. Ce qui est frappant c'est la diversité des styles, les planches sont presque intégralement traitées en noir et blanc pour le récit principal, avec des teintes sépias pour évoquer le passé, on trouve souvent des cartes entièrement redessinées par l'auteur. La couleur se glisse parfois dans certaines cases, enfin l'auteur insère des aquarelles spectaculaires, elles sont de petites tailles ou parfois en double pages et tout en couleur, elles représentent la nature sauvage, la mer, des animaux ou des portraits de ses compagnons de voyage. Un reportage envoûtant dans une édition de grande qualité.
J'hésite toujours beaucoup à noter, car c'est un exercice un peu vain quand on est soi-même incapable de création, et je mets rarement la note maximale car le mieux est toujours possible. Mais là quelle meilleure occasion : des dessins magnifiques souvent en aquarelle, des nuances de gris et de la couleur, des portraits et des paysages, du grandiose et de l'intimiste. Et l'histoire est plus qu'un reportage sur une rotation de ravitaillement des îles du grand sud. Outre le parfum d'aventure, l'évocation du mythe des grandes découvertes et des tragédies subséquentes, il y a une réflexion sur l'homme et la nature, la vie en communauté, le déracinement, les héros ordinaires, et des fragments d'humanité. Et tout ça dans un décor grandiose qui donne l'impression d'y participer.
A lire, à relire, à feuilleter, à contempler... On ne s'en lasse pas, preuve du chef d'œuvre.
La base du scénario est simple : c'est le récit d'un voyage vers une destination souvent montrée par des documentaires aux images sans égales, mais dont on ne connaît finalement pas l'envers du décor.
Et Emmanuel Lepage nous y engouffre avec modestie et ténacité. Il faut dire aussi que l'environnement humain ou naturel de ces endroits austères rend humble.
Très descriptif, très brut, le propos est aéré par la poésie des dessins, par les espaces très bien rendus, qu'ils soient confinés comme dans le bateau ou, au contraire, sans horizon.
L'édition en grand format est une excellente idée. Comme l'ont dit mes 2 prédécesseurs, certaines planches sont d'une beauté époustouflante et m'ont accroché plusieurs secondes, voire plusieurs minutes.
Il faut prendre le temps de savourer ce livre. Apprécier les jours qui passent et évoluer avec les personnages. Je n'étais pas pressé de revenir de ces TAAF, moi non plus. Et un peu jaloux de cette belle aventure que Lepage a pu nous faire partager et qui semble accessible à chacun...
Acheté dès le jour de sa sortie, je me devais de prendre mon temps pour lire cette bande dessinée.
D'ailleurs est-ce encore une bande-dessinée ou alors un carnet de croquis, ou un carnet de voyage?
Ma foi, les trois à la fois.
Et puis de toutes façons, un "Lepage" ne se refuse guère. Plus proche du très réussi "Voyages d'Anna" édité il y a quelques années chez Daniel Maghen que de ses albums précédents, Emmanuel Lepage nous livre là un formidable témoignage sur ces terres froides, témoignage qui nous donne presque envie d'y aller...c'est dire.
Il faut prendre son temps pour savourer ces 150 pages, où alternent croquis, dessins en noir et blanc, dessins en couleurs et surtout de superbes planches, surtout les doubles pages inoubliables (ah! admirez l'aurore australe sous les pinceaux d'Emmanuel Lepage !)
Cette immersion dans cette communauté atypique (chercheurs, touristes, personnels administratifs et militaires) peut laisser de marbre certains lecteurs mais les amateurs de récits de voyages peuvent retrouver les émotions qui se dégagent d'un livre comme "l'usage du monde" (Nicolas Bouvier ) par exemple.
Une bd magnifique à la fois instructive (je ne connaissais des terres australes que les célèbres Iles Kerguelen ), richement illustrée et fort bien documentée.
Alors embarquez à bord du "Marion Dufresne" pour un voyage inoubliable.
Ce récit est,à mes yeux, une voire la bd incontournable de ce semestre.
Un régal.
J'hésite encore entre chef d'oeuvre et indispensable.
A la "manière" de Titouan Lamazou, Lepage nous transporte dans ces terres australes qui étaient complètement inconnues à mes yeux. Je me suis précipité sur Internet afin de continuer à rêver.
Il y a aussi les équipes de scientifiques, les touristes, le staff et les iliens (avec leur language particulier), les habitants naturels des îles et autres manchots (et non des pingoins ! J'ai retenu la leçon !!
Très drôle aussi les chaînes en bas des portières de voitures pour les retenir en cas de grandvent.
C'est magnifique, beau... Pour tout dire, j'ai même eu des frissons à la vision du bateau en mer et à son arrivée sur Kerguelen.
Magnifique