L'astrolabe de glace
1. Les Éphémérides perdues
Une BD de Luca Blengino et Antonio Palma chez Delcourt (Histoire & Histoires) - 2011
09/2011 54 pages 9782756020488 Grand format 137334
Byzance, 1527. Bashir el Hassad est un talentueux astronome égyptien condamné à la prison, à qui est offerte une chance de rédemption. Il pourra recouvrer la liberté s'il accepte une mission pour le compte du sultan de l'Empire ottoman : entrer clandestinement dans Rome, berceau de la chrétienté, pour y récupérer un livre d'éphémérides d'une valeur inestimable, volé dans les bibliothèques du Vatican.
L’astrolabe de glace nous plonge dans une aventure dont on devine aisément les contours ésotériques. C’est un peu comme toutes ces quêtes où l’on doit découvrir le mystérieux parchemin contenant des éphémérides et qui est enfermé dans les archives du Vatican. L’Eglise protège jalousement son secret. Il n’y a rien de vraiment très original dans la démarche et dans l’intrigue de cette nouvelle aventure. Pour autant, la singularité serait qu’on se situe pour une fois d’un point de vue oriental et non occidental. Cependant, le héros, un jeune érudit mathématicien qui fut emprisonné dans une geôle d’Alexandrie, a tout le comportement d’un européen. Bref, c’est du trompe l’œil qui sonne faux.
J’ai relevé quelques inepties dans le scénario comme lorsqu’on parle des Italiens pour les comparer aux Français ou autres Espagnols. Or, l’action se situe au XVIème siècle près de 70 ans après la chute de Constantinople qui fut le vestige de l’empire romain oriental. L’Empire Ottoman allait se substituer. Elle envoie deux espions à Rome afin de subtiliser le fameux ouvrage convoité par Soliman.
Maintenant, malgré son classicisme, cette bd se laisse lire agréablement. Elle remplit son quota. On pourra même être intéressé par le contexte non seulement politique mais également religieux de l’époque. Les armées de l’empereur Charles Quint marchent sur Rome. Il y a des sous-intrigues qui commencent à apparaître. Bref, meurtres et complots vont se succéder. Da Vinci Code n’en finit pas de faire des émules.
Un scénario intelligent qui ne tombe pas dans la facilité du fantastique, quasi "normal" pour beaucoup de BDs qui touchent à cette époque ou à la religion. On pourrait juste lui reprocher qu'il s'appesantit un peu trop sur les états d'âme des protagonistes, on avait compris grâce au dessin très descriptif.
Ce dessin est superbe, les tronches semblent émaner du pinceau de Rembrandt; sauf que... les têtes-à-tête rappellent furieusement le roman-photo : les bouilles ont l'aspect posé de (mauvais) acteurs des années 50. Les femmes, surtout, sont assez quelconques et déparent définitivement l'histoire, on n'arrive pas à croire qu'elles vivent au XVIe siècle.
La colorisation est sombre, car apposée sur un lavis qui a déjà ses riches dégradés de gris. Voici une série qui aurait bénéficié d'une édition en noir et blanc.
Le tout est envoûtant. On a hâte de revoir le duo Blengino-Palma dans une autre oeuvre.
Très belle surprise que ce thriller historique.
L'histoire démarre très vite avec la prédiction d'une "voyante", un meurtre et la présentation du personnage central, un jeune scientifique arabe qui est sorti de prison par le sultan Turc et qui se voit confier la mission de retrouver un livre. Mais attention , pas n'importe lequel, un livre de mathématique! Eh oui pas de mystère ésotérique. Ce livre n'est pas une fin en soi puisqu'il permet d'utiliser le "légendaire" atroslabe de glace dont on sait pour le moment bien peu de chose. Si notre scientifique paraît bien fade au départ, il va progressivement prendre de l'épaisseur d'autant plus que les auteurs lui laissent une part d'ombres.
On ne se contente pas de suivre ce personnage, les auteurs en introduisent rapidement d'autres qui comme notre scientifique vont voire leurs vies bouleversées par l'existence de ce mystérieux manuel. Malgré leur nombre important, les personnages sont bien campés. Toutes ces histoires tournant autour du livre, on se dit qu'elles vont bien finir par se croiser et sur ce point la fin de l'album (et plus particulièrement la dernière "case") est très réussie.
Le contexte historique, lutte entre Charles Quint et François 1er (allié au pape) et relents de guerre de religions, durant lequel le récit se déroule est très bien rendu.
Le dessin est vraiment très beau, avec un dessinateur qui, comme cela est dit dans le cahier graphique, apprécie de dessiner des visages et nous offre ainsi de nombreux cadrages resserrés sur ces derniers. Par contre, je lui "reprocherai" un trait un peu figé, parfois plus illustrateur que dessinateur, élément qui se ressent dans les scènes d'action. Mais rien de très perturbant à mon niveau, la qualité générale du trait emportant largement ce petit défaut que l'on peut qualifier de jeunesse puisqu'il semble qu'Antonio Palma débute dans le métier.
Au final une BD bénéficiant d'une intrigue solide, d'un rythme de narration qui ne faiblit pas, de personnages bien construits, d'un dessin permettant une immersion rapide, et qui amène à cette conclusion: à quand la suite ?