L'arabe du futur
2. Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)
Une BD de Riad Sattouf chez Allary Éditions - 2015
06/2015 (11 juin 2015) 142 pages 9782370730541 Autre format 248954
Dans ce second tome, qui couvre la première année d'école en Syrie (1984-1985), il apprend à lire et écrire l'arabe, découvre la famille de son père et, malgré ses cheveux blonds et deux semaines de vacances en France avec sa mère, fait tout pour devenir un vrai petit syrien et plaire à son père. La vie paysanne et la rudesse de l'école à Ter Maaleh, les courses au marché noir à Homs, les dîners chez le cousin général mégalomane proche du régime, les balades assoiffées dans la cité antique de Palmyre : ce tome 2 nous plonge dans le quotidien hallucinant... Lire la suite
BD mémorielle...
La couverture, quoique plus claire, reprend les principes du tome précédent, lui même inspiré de Persépolis.
La famille s’agrandit, avec un nouveau venu qui fait ses premiers pas. Quant au petit Riad, il se situe en pointe, vêtu de son uniforme d'écolier, avec dans les mains son cartable en carton bouilli et un drapeau syrien. Car, comme le dit son père, « l'Arabe du futur va à l'école ». Attendrissant...
A cela s'ajoute des portraits d'Hafez el-Assad se multipliant sans fin. L'image du bonheur familial, au premier plan, est donc contrastée par le contexte géopolitique, par le culte de la personnalité de l'autocrate syrien, en arrière-plan.
Les articles de presse ont pu insister sur le caractère "véridique" de l'histoire. Mais est-ce le cas ? Peut-on mélanger mémoire et Histoire ?
Certes, la plupart des anecdotes ont un caractère authentique et sont d'ailleurs racontées avec force de détails (la maîtresse en talons/jupe/voile, la rudesse de l'école, l'apprentissage du dessin, de l'arabe, le garde du corps désopilant à Palmyre...). Ayant une connaissance assez fine de la région, Riad Sattouf sait inscrire sa BD dans le réel. Renforçant un peu plus le sentiment d'immersion et l'intérêt pour sa BD, il intègre avec justesse des événements, des personnages, des notions propres à l'Histoire du Proche-Orient : colonisation, dictateurs, guerres, panarabisme, tiers-mondisme, islamisme, révoltes et coups d’État... Le personnage du père, professeur d'Histoire, semble d'ailleurs particulièrement attentif à l'évolution géopolitique du Moyen-Orient, qu'il commente régulièrement dans le livre, de manière instructive... ou pas. La BD compare finalement la société, la vie quotidienne difficile en Syrie, avec ce que l'on connaît en France ou en Bretagne.
Mais plusieurs fois en interview, Riad Sattouf a lui même admis la part fictionnelle de ses histoires (surtout pour le tome 6), à ne pas prendre pour argent comptant. Sans surprise, son témoignage comporte des zones d'ombre (en particulier les deux premiers tomes), la chronologie des événements de sa vie est parfois confuse et l'auteur prend naturellement quelques arrangements avec le réel, pour combler les trous de sa mémoire, magnifier sa narration ou en adoucir/censurer certains aspects. Malgré ses efforts pour collecter un maximum de souvenirs, tout en gardant du recul, il n'est donc ni exhaustif sur sa vie, ni totalement neutre. On peut même penser que son égo-histoire, qu'il relie à celle du Proche-Orient, est vue par un prisme déformant : les yeux et l'esprit de celui qu'il est devenu, c'est-à-dire un auteur de films et de BD parisien (plutôt que médecin arabe comme le prédestinait son père).
L'ouvrage comporte ainsi quelques clichés. Or, s'il y a couramment des stéréotypes en BD (on pense à Tintin au Congo...), il s'agit ici essentiellement de caricatures. En déformant, en exagérant des détails, l'identification des personnages, archétypaux, en devient plus facile. Indubitablement, l'auteur cherche aussi à faire rire, à dédramatiser. D'ailleurs, Riad Sattouf est un habitué de l'humour. Son dessin tremblotant est tout particulièrement dérisoire lorsqu'il représente Pascal Brutal dans une autre de ses BD, sur-homme qu'il n'est pas... Salutaire.
Par contre, si Riad Sattouf représente des Syriens souvent sales, ignorants, antisémites... tout comme il dessine d'ailleurs des Bretons en bottes, marinière, ciré, voir en coiffe bigoudène (alors que fréhélois...), cette vision est liée à son vécu. On pourrait d'ailleurs la critiquer, la mettre en perspective avec d'autres expériences.
Heureusement, Riad Sattouf parvient aussi à nuancer son propos, avec des figures rassurantes, comme certains de ses cousins syriens, ou d'autres éléments positifs, des "madeleines de Proust" arabes pourrait-on dire... Ainsi, on en apprend surtout sur lui, son regard, ses sensations, les moments clés de sa vie ou les petits riens qui lui ont semblé important à raconter. Il y a également des faits marquants que je vous laisse découvrir... Probablement a-t-il voulu dénoncer les dérives du fanatisme religieux, du nationalisme ou des problèmes d'éducation en Syrie.
J'aimerais cependant avoir aussi l'avis des Syriens eux-même : est-ce qu'ils seraient déçus de l'image que l'on donne d'eux ? Est-ce qu'ils en valideraient toutes les représentations ? Difficile à savoir, puisque le livre n'a pas été traduit en arabe.
Dans tous les cas cette œuvre, sortie après les printemps arabes, où les Syriens ont eu le courage de se révolter contre le dictateur Bachar al-Assad, m'a offert le témoignage le plus frappant que je connaisse de cette région.
...Unique !
Alors que j'avais lu le premier tome en 2015, j'ai effectué une petite pause pour attendre la parution complète de cette collection que j'ai acquise dernièrement. En effet, j'aime bien terminer ce que je commence. J'ai relu bien évidemment le premier tome, histoire de me remettre dans le bain. J'avais une petite appréhension sur le second tome. Est-ce qu'il serait aussi bien que le premier ?
Ce second tome autobiographique marque les années d'enfance 1984 et 1985 pour l'auteur Riad Sattouf. Ce sont les conditions de sa vie d'écolier dans son village rural en Syrie qui sont évoqués. Cela couvre une période plus restreinte de sa vie après un premier tome partant de 1978 à 1984.
On peut être assez sérieusement choqué par la place de la religion ainsi que de l'Etat dans le système scolaire ce qui favorise un peu plus la pression sur les futurs citoyens syriens de la dictature de Bachar Al-Assad qui a succédé à son père Hafez lui-même dictateur. On sait qu'il s'est maintenu au pouvoir grâce à un autre dictateur venu de Russie en ensanglantant son pays à feu et à sang et en utilisant également des armes chimiques sur les populations locales soi-disant rebelles.
Bref, on va découvrir les méthodes pédagogiques très musclées de la part des professeurs syriens. On voit que cela sert l'objectif de conserver l'ignorance du peuple afin de maintenir la dictature au pouvoir. Il est vrai qu'apprendre le Coran avant de maîtriser la lecture est l'objectif prioritaire de cet Etat.
J'ai bien évidemment été choqué par cette maîtresse qui frappe avec un certain sadisme de petits élèves en s'en prenant surtout aux plus démunis d'entre-eux. J'ai été également choqué de voir qu'il y a partout des portraits du dictateur alors que le peuple crève de faim et que les magasins sont désespérément vides. J'ai également été choqué par la haine du juif qu'on inculque aux élèves dès le plus jeune âge. Avec un tel système, on peut comprendre que 40 ans plus tard, c'est la guerre et la misère la plus totale dans ce pays.
Par ailleurs, j'ai trouvé à de nombreuses reprises l'attitude du père de notre petit héros totalement exaspérant. Il promet monts et merveilles à son incrédule et passive épouse qui l'a suivi dans ses délires au détriment du bien-être de sa famille. Certes, il y a des individus qui sont pendus dans les rues de la ville mais c'est comme cela d'après lui, il faut regarder ailleurs. Oui, le déni est bien pratique. Il critique allègrement les français en pensant réellement que c'est mieux la vie en Syrie. Mais pour rien au monde, j'échangerai sa place malgré toutes les imperfections d'une démocratie occidentale.
Il faut savoir qu'en 2016, les deux premiers tomes se sont vendus à plus d'un million d'exemplaires (700 000 rien qu'en France) et ont été traduits dans dix-sept langues avec une réception critique excellente dans le monde. L'auteur est devenu une véritable valeur sûre.
En 2023, la série complète n’a toujours pas été traduit en arabe de par la volonté de son auteur. Il n'en demeure pas moins que c'est un livre très populaire chez les syriens expatriés car Riad décrit la situation avec réalisme et sans embellissement ce qui attire les faveurs du public.
Un mot sur le trait qui reste toujours très juste et très vivant ce qui facilite la lecture en la rendant assez agréable. Il y a toujours cette bichromie dont la couleur change en fonction des différentes étapes géographiques. En effet, les chapitres changent de couleur au gré de la narration. Ils sont teintés tantôt de bleu, tantôt de rose, tantôt de jaune, avec quelques touches de vert et de rouge.
Cet « Arabe du futur » est passionnant et captivant depuis le début. Cet album a d'ailleurs eu le grand prix à Angoulême en 2015. Pour une fois, c'est une belle récompense amplement mérité. On en redemande. La classe au-dessus !
Riad Sattouf relate et exorcise son traumatisme d'écolier syrien.
J'ai préféré ce second tome au premier.
Même si l'auteur continu de régler ses comptes avec son père (moqueries et reproches).
J'adorais Pascal Brutal, je trouvait que cela apportait quelques chose de nouveaux a la BD. Je dois etre l'un des rare a m'etre vraiment ennuyé en lisant l'arabe du futur...j'ai lutté pour lire les 2 premiers Tome, je me suis profondement ennuyé
Décidemment je n'accroche pas du tout ! Une histoire que je trouve ennuyeuse à mourir, des personnages désagréables au possible et un dessin des plus rudimentaires. La suite de la série se déroulera dorénavant sans moi. Dommage, j'aurais bien aimé accrocher ...
On ne lit pas "l'Arabe du futur" (tome et 1 et 2) pour sa qualité graphique (dessin franchement sommaire) mais pour la qualité de son scénario. Ces deux ouvrages se lisent comme de véritables livres d'histoire politique. Telle une leçon pour mieux comprendre un pays méconnu -la Syrie- et appréhender les différences culturelles entre le Moyen-Orient et l'Occident. La grande qualité de Riad Sattouf est d'arriver à aborder des problématiques de fonds avec simplicité grâce à son regard d'enfant (à l'époque). Vicement la suite.
Je l'avoue avec beaucoup d'allégresse (car j'aime en général le travail de Riad Sattouf), les réticences que j'avais eues à la lecture du premier tome de "l'Arabe du Futur" se sont vues partiellement dissipées par ce second volume du "journal" de l'enfance de Sattouf. Peut-être parce que je me suis peu à peu habitué à la noirceur univoque de son récit auto-biographique. Plus certainement parce que cette seconde "tranche de vie" est narrée de manière plus fine que la première : centré sur la Syrie (un seul passage en fin de livre en France, pour offrir un contrepoint assez saisissant), le livre est à la fois plus "politique", au point que j'y ai retrouvé un peu des échos des livres de Guy Delisle, dans sa description de l'absurdité du régime syrien, mais aussi de la barbarie de la société (ces "crimes d'honneur", dont l'impunité conclut le livre de manière accablante), mais est aussi plus "humain". La bêtise aveugle du père de Riad, qui condamne sa famille à une vie sans joie, l'absence de rébellion de la part de son épouse, la méchanceté systématique des enseignants, des voisins, des parents en Syrie, se voient contrebalancées par quelques moments de légèreté, de bonheur presque (la découverte de Tintin, le crabe...) qui permettent d'admettre enfin que tout dans la vie n'est pas un cauchemar. Et ce rai de lumière qui perce par ci, par là, change beaucoup de chose au plaisir du lecteur. Il faut aussi souligner que le dessin de Sattouf acquiert dans ce livre une vraie élégance, qualificatif qu'on avait en général du mal à lui attribuer : comme il l'annonce lui-même dans de récents interviews, son admiration pour la "ligne claire" commence à se traduire dans son style, et c'est vraiment un point positif de plus. Au final, même si la lecture de "l'Arabe du Futur" reste un exercice assez déprimant, la richesse des informations qu'il apporte sur un pays et une époque méconnus, et le début de sympathie qu'on se surprend à ressentir pour certains personnages emportent cette fois le morceau.