Algériennes 1954-1962
Une BD de Swann Meralli et Deloupy chez Marabulles - 2018
01/2018 (31 janvier 2018) 128 pages 9782501121002 Format normal 322070
La guerre d'Algérie, cette guerre qui n'était pas nommée comme telle, est un événement traumatisant des deux côtés de la Méditerranée. Ce récit raconte la guerre des femmes dans la grande guerre des hommes... Béatrice 50 ans, découvre qu'elle est une « enfant d'appelé » et comprend qu'elle a hérité d'un tabou inconsciemment enfoui : elle interroge sa mère et son père, ancien soldat français en Algérie, brisant un silence de cinquante ans. Elle se met alors en quête de ce passé au travers d’histoires de femmes pendant la guerre d'Algérie : Moudjahidates... Lire la suite
C’est vrai que lorsqu’on parle de l’Algérie, on préfère changer de sujet. Il y a eu une colonisation de la France dès 1830 avant même que la Savoie ne rejoigne la France. Les français qui y ont habité depuis plusieurs générations et qui ont été contraint de partir en 1962 ont beaucoup souffert car ils avaient perdu leur pays sans véritablement se sentir chez eux dans la Métropole.
Une fille d’un soldat ayant fait la guerre d’Algérie se rend compte de l’opacité qui règne sur ce sujet. Aussi, elle décide de mener sa propre enquête qui l’a conduit naturellement dans l’Algérie actuelle du président à vie Bouteflika. La vision sera centrée sur celle des femmes ayant participées car elles sont souvent omises au profit d’une société très masculine.
J’ai bien aimé ce qui ressort de ce roman graphique qui fait un peu documentaire grâce aux témoignages recueillis. On se rend compte que les livres d’histoire ne sont pas vraiment dans la réalité même si certains essayent de tendre vers une opinion neutre et nuancée. Au final, je retiens qu’il y a du bon et du mauvais dans chaque camp mais surtout que cela a entrainé des souffrances de part et d’autre. La relation de la France avec ce pays ayant acquis chèrement son indépendance sera toujours particulière.
Après Love Story à l'Iranienne, Deloupy propose de nouveaux témoignages, historiques cette fois-ci, sur la guerre d'Algérie. Un éclairage sur les différents camps est apporté par des femmes, un parti pris très intéressant. Les différentes histoires se recoupent légèrement, mais subtilement. Cet album, qui se rapproche d'un documentaire, est une bonne occasion de s'instruire sur cette page de l'Histoire souvent passée sous silence.
Une jolie édition (couverture très efficace) avec petite bio des auteurs et bibliographie très intéressante à la fin. Les auteurs avertissent le lecteur sur le caractère fictionnel de cet album... basé sur des personnages et faits réels. On reste donc bien dans de la BD docu.
Béatrice, fille d'appelé d'Algérie n'a jamais pu entendre son père parler de cette guerre qui a pourtant marqué la famille comme beaucoup d'autres foyers. Elle décide de partir en Algérie à la recherche de témoignages pour comprendre ce qu'a été cette guerre. Elle y découvre un versant enfoui: celui de la place et du rôle des femmes dans la guerre d'Algérie.
Le grand intérêt de cette BD est son caractère pédagogique et le fait de traiter du rôle et de la situation des femmes dans cette salle guerre. Le scénario reprend le classique cheminement en entretiens avec différents témoins lors du voyage en Algérie que fait le personnage focus, ce qui permet à la fois de structurer le récit et de décrire différents points de vue, intelligemment reliés les uns aux autres. On suppose que cet enchevêtrement des récits est inventé mais son efficacité est pertinente en évitant que l'album ne soit qu'une succession de témoignages.
Sous un schéma classique, les auteurs nous permettent de parcourir un plan large de ce qu'a été la guerre d'Algérie. Depuis quelques années on a un nombre non négligeable d'ouvrages, films, documentaires, articles traitant de cette dernière guerre coloniale mais la complexité qu'elle recouvre rend salutaire la démarche de Merali et Deloupy. De manière accessible, sans reculer devant la dureté de montrer (la torture, les mutilations,...), ils nous font entrer dans ce qu'ont vécu ces femmes très différentes, avec leur subjectivité. Mais la relativité des faits est une partie de la mémoire. Ce qui importe c'est la parole (ce qui ressort de tous les témoignages de périodes de génocides et de guerres). L'ouvrage s'ouvre sur les silences du père et l'on comprend très vite que tout va tourner autour du récit. L'une des femmes a été moudjahidine, a vécu la torture mais aussi les premières heures de la Nation algérienne, avec ses corruptions et sa perte d'idéal. Une autre, pied-noire restée sur place, n'a pas compris pourquoi on lui enlevait son Algérie, niant le sort fait aux indigènes. Une fille de Harki se souvient de cette fuite du rapatriement et l'internement dans des camps en Provence,... Ce sont autant de facettes de la réalité d'une guerre sale, grise, sans héros, sans victoire. Il ne manque plus que le récit de l'histoire de la colonisation, seule à même d'expliquer l'inexplicable. Ce n'était pas l'objet de l'album et aucune œuvre ne peut aborder une problématique si complexe, s'étalant sur 130 ans.
Le prisme adopté est celui des femmes. Mais l'on comprend à la lecture qu'il aurait pu être celui des pieds-noirs ou des berbères, des enfants d'appelés,... autant de victimes de la guerre menée par des hommes chrétiens et des hommes arabes qui ont oublié pourquoi ils se battaient. Cette BD est une vraie belle action citoyenne et une très bonne porte d'entrée sur un sujet souvent évité. Une belle occasion.
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