1984 (Derrien)
1984
Une BD de
Jean-Christophe Derrien
et
Rémi Torregrossa
chez Soleil Productions
- 2021
Derrien, Jean-Christophe
(Scénario)
Torregrossa, Rémi
(Dessin)
Torregrossa, Rémi
(Couleurs)
Orwell, George
(Adapté de)
01/2021 (06 janvier 2021) 128 pages 9782302080355 Autre format 413225
Londres, 1984. Winston Smith est un employé du Parti, chargé de réviser l'Histoire. Dans un monde où toute sentimentalité est interdite, il est attiré par Julia, une jeune femme peut-être dangereuse pour lui. Ensemble, ils vont tenter d'échapper à l'emprise du gouvernement et de Big Brother, le chef omnipotent du gouvernement. Mais est-ce possible dans un monde où tout fait et geste est surveillé et enregistré ?
Avec une trame simplifiée du roman de George Orwell "1984", cet opus signé Derrien n'apporte pas grand chose à l’œuvre originale. Les dessins soignés de Tottegrossa restent peut-être les plus plaisants des différentes adaptation de "1984". Malheureusement sans surprise, le choix du format et d'un nombre de pages limitées ne permet pas de développer les axes de cette dystopie, ni de proposer un regard nouveau sur l’œuvre.
L’œuvre de George Orwell est tombé dans le domaine public ce qui a eu pour conséquence la sortie presque simultanée de 5 BD traitant de 1984. Du jamais vu dans le monde de l'édition !
C'est ma troisième découverte de ce titre après avoir avisé l'adaptation de Fido Nesti et de Sybille Titeux de la Croix que je n'ai pas su départager malgré leur différence graphique.
D'emblée, je constate que le récit adapté par Jean-Christophe Derrien va plus vite alors que les autres prenaient le temps d'installer une certaine ambiance assez pesante. Là, on passe directement à l'essentiel.
Je dois dire que le dessin me convient le mieux parmi les œuvres que j'ai lu portant sur le même sujet, la même histoire. Bref, je commence à connaître cette œuvre par cœur. Il y a un effet lassitude que je ressens malgré tout. Cependant, si j'avais commencé par cette lecture, j'aurais sans doute une autre impression. Du coup, il faut rester objectif.
1984, c'est un monde dictatorial où les parents ont peur de leur propres enfants qui pourraient très bien les dénoncer au Parti. Le crime de penser ne provoque pas la mort. Il est la mort. C'est assez terrible d'en arriver à de telles extrémités.
Cependant, une telle société où l'on révisait systématiquement le passé a bel et bien existé sous le règne de Staline qui a par ailleurs occasionné la mort de dizaines de millions de ses propres compatriotes révolutionnaires. Evidemment, Georges Orwell pratique une dénonciation déguisée de ces abominations. On ne peut que le féliciter car non ne le dira jamais assez.
J'ai bien aimé l'histoire d'amour entre Winston et cette femme qu'il pensait être à la solde de la police de la pensée. Leur relation est déjà en soi un acte de résistance contre ce parti qui écrase les individus les laissant dans la misère et l'ignorance afin de pouvoir mieux les manipuler.
Cette version m'a éclairé sur un doute que j'avais. J'ignorais que c'était bien O'Brien qui avait dénoncé notre héros et sa complice. Ce n'était pas explicitement montré dans les œuvres précédentes. Au moins, cette lecture m'a apporté un éclaircissement assez utile. Je trouve que Winston aurait pu être plus prudent sachant que c'était quand même un haut cadre du Parti. Il s'est livré beaucoup trop facilement alors que la confiance semble dure à acquérir dans une telle configuration de société paranoïaque.
Et puis, il y a cette fin où notre héros se prend à aimer son tortionnaire. C'est une triste finalité de la condition humaine. Bref, une lecture qui ne nous laissera pas indemne.
L'histoire reste celle du roman ...Graphiquement c'est celle qui m'a le plus emballé peu etre un peu moins glauque que l'atmosphère de roman...finalement la BD la plus "abordable" sur les 3 ou 4 sorties du moment (et la moins cher, ca compte aussi)
En l’espace de deux mois ce ne seront pas moins de quatre adaptations de « 1984 » qui auront été publiées (une en novembre 2020 et trois ce mois-ci). Il faut dire que 70 ans après la sortie française du roman culte de George Orwell, désormais entré dans le domaine public, plusieurs éditeurs (Soleil, Sarbacane, Rocher et Grasset) se tenaient sur les starting blocks pour sortir leur propre version. On pourra objecter que cela est tout à fait ridicule de sortir en même temps quatre adaptations, mais quoiqu’en en pense, cela confirme toute la puissance et la modernité du livre de l’auteur anglais. Si la pertinence d’une adaptation est incontestable, reste à en connaître la valeur ajoutée. Commençons avec celle de Soleil Productions.
Sur le plan graphique, Rémi Torregrossa prouve qu’il sait dessiner, cela n’est pas à contester. Son style réaliste et assez détaillé, un peu froid, a su parfaitement donner corps au roman d’Orwell, en restituant scrupuleusement l’univers du livre que chacun pouvait avoir en tête. Le choix du noir et blanc paraissait approprié pour dépeindre un monde terne et déshumanisé, avec une rare intrusion de la couleur dans les scènes où Winston et Julia parviennent à se retrouver dans un cadre intime pour vivre leur amour. Clairement, on reste dans l’académisme propre à tout un pan de la bande dessinée actuelle et qui caractérise le plus souvent les séries dont le but est de capter le public le plus large, et qui probablement laissera de marbre la frange des bédéphiles en quête d’originalité.
La récit de Jean-Christophe Derrien est de façon peu surprenante à l’image du dessin. Elle suit à la lettre la structure de l’œuvre littéraire, la seule digression que s’est autorisée le scénariste étant d’avoir choisi la narration subjective en utilisant les extraits de journal du héros Winston. Ce faisant, cette option permet à l’histoire de conserver une grande fluidité, à l’instar du roman d’Orwell.
En optant pour la fidélité au récit d’origine, on pourrait en déduire que Soleil a voulu limiter les risques d’un échec commercial. Cette version, qui semble être la plus convenue, est loin d’être mauvaise mais n’apportera pas grand-chose au « 1984 » de 1949, et ne conviendra qu’à ceux qui ne lisent que de la BD. A cet égard, on ne pourra que conseiller au lecteur — jeune ou non, et ouvert à tous les formats narratifs — de se précipiter plutôt sur l’ouvrage original, monument incontournable de la littérature de science-fiction qui conserve une acuité terrible sur la façon dont les technologies permettent de suivre à la trace les citoyens. A l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, la question n’en est que plus brûlante. Les télécrans de « 1984 » ne sont-ils pas d’une certaine manière les smartphones de 2021.